La vague d'extrême-droite populiste à laquelle on assiste aujourd'hui, avec l'élection de candidats dits "disruptifs", souvent grossiers, menteurs, totalement désinhibés, est directement liée à l'émergence d'une nouvelle entité subjective : celle des réseaux sociaux.
Pour le comprendre il faut d'abord admettre la possibilité d'un sujet collectif.
Un groupe peut avoir un comportement de groupe sans qu'il soit la collection du comportement des individus qui le composent.
Regardez les équipes de football. Il est évident que pendant un match, une équipe de football peut être sujette à des affects. On en voit certaines prises de paniques, ou juste d'inhibition, ou de peur, voire de dépression.
La peur ou la démobilisation sont des sentiments collectifs dont témoignent souvent les équipes de football.
En ce sens on peut parler d'entité subjective de groupe. Un groupe réagit en groupe. Comme une meute.
Un groupe peut-il avoir un discours ? C'est ce qu'on appelle l'opinion. Soit le discours collectif qui ressort de l'assemblage des discours individuels. Mais ce discours, cette opinion, peut influer lui-même le discours de chacun. En effet le membre d'un groupe peut décider de "suivre" l'opinion en tant que telle plutôt que de s'y opposer. Il peut changer d'avis ou soumettre son avis à celui du groupe.
Un groupe peut donc avoir un discours que certains assument individuellement ou non. Même si aucun des membres ne le tient individuellement. Le discours du groupe est celui qui ressort des discours (expressions des opinons) des membres et peut les influencer en retour jusqu'à ce que, peut-être, chacun fasse sien le discours collectif.
Les réseaux sociaux sont-il un groupe ?
L'expression des opinions de chacun à la bourse aux opinions, l'expressions des réactions et des affects de chacun répond à ce mécanisme d'influence réciproque.
Un discours émane de l'ensemble des opinions de chacun, une petite musique, en général liée à l'affect, et surtout à la binarité approbation/désapprobation. C'est également un discour déshinibé dû à l'anonymat et la protection de la foule.
On se sent protégé par le nombre et donc, même si on n'est pas anonyme, on se sent plus fort pour dire les choses de manière moins policée. Le nombre nous protège de la la pression sociale.
Il radicalise l'expression de nos opinions. Mieux, le regard collectif sur ce qu'on exprime, influe sur ce qu'on dit et nous préférons l'approbation du groupe à son rejet. c'est pourquoi nous nous fondons dans la masse et nous préférons adopter le discours collectif, quitte même à s'en faire militant.
Ce va et vient produit et renforce le discours collectif et crée une subjectivité de groupe.
Ce nouveau sujet issu des réseaux sociaux, c'est à celui-là que les journalistes et les politiques s'adressent maintenant. A la bourse des opinions, sur le marché public de l'expression, le sujet des réseaux sociaux est hégémonique, incontournable. On le commente, on le questionne, on s'adresse à lui, on le cajole et on lui est soumis.
Nous avons les politiques et les gouvernements que ce sujet à façonné. Le monde d'aujourd'hui est structuré par ce sujet, lui est aliéné, assujetti.
Rien de ce qu'on vit en ce moment ne peut se comprendre en dehors de ce rapport aliéné à ce sujet.
Nous avons donc des dirigeants qui savent lui parler et qui en sont les marionnettes. Ils sont obligés de les suivre, les imiter, imiter ses expressions, satisfaire ses désirs.
Des dirigeants à l'image de ce sujet : incompétents, intellectuellement fainéants, versatiles, grossiers, délirants, comme l'est le discours des réseaux sociaux.
Le monde entrera dans la guerre car ces dirigeants ne sauront l'éviter, la baballe va leur glisser entre les doigts. Le Brexit a été la première grande décision dictée par ce sujet acéphale.
Nous élisons ces dirigeants car nous sommes nous-mêmes aliénés à ce sujet, il nous échappe, nous dépasse, nous soumet.
Qui s'y oppose peut être sorti de la société si ce n'est déchiqueté. Peu osent s'y opposer. c'est notre destin et notre fardeau, notre damnation.