27 avril 2020

Scier la branche


C’est ce qui se passe.
La France scie la branche sur laquelle elle est assise.
Nous avons un gouvernement qui a dû gérer une pénurie, qui ne l’a pas dit, qui a cru bon de mentir, qui s‘est battu et se bat encore contre les événements, l’incertitude, et gère deux crises monstrueuses, sanitaire et économique.
Nous avons une opposition qui croit ne se définir que de la critique, de l’injonction, qui ne fait rien pour nous aider, qui perd son sang-froid, qui panique et qui ne sert à rien.
Nous avons une communauté scientifique qui découvre le vedettariat et comme tout nouveau venu dans ce domaine perd parfois ses repères, pour ne pas dire son latin.
Nous avons eu un épisode de populisme médical qui nous a fait du mal, à nous, aux politiques et aux médecins. Heureusement de ce côté-là, le réel est en train de trancher et de ramener tout le monde à la raison.
Nous avons des médias qui croient ne se définir que d’être un contre-pouvoir dans une période où le pouvoir est entièrement dévoué à nous sauver (oui et maintenant sauver l’économie c’est nous sauver)
Nous avons des réseaux sociaux qui continuent comme si de rien n’était, comme si rien n’avait changé depuis un an, comme si la rage devait toujours être convoquée contre son prochain même s’il est menacé de mort.
Nous avons des trolls qui continuent de nous élever les uns contre les autres, cherchent à nous déstabiliser en injectant du doute et de la haine entre nous, pour mieux laisser leurs commanditaires ramasser les morceaux ensuite.
Nous avons une Europe qui essaie mais n’y parvient pas, avec une Allemagne tellement supérieure qu’elle se demande si son salut ne serait pas ailleurs. Elle sait que non. Elle sait qu’elle coulerait avec nous. Mais elle ne peut s’empêcher de nous en vouloir, nous les gens plus au sud.

Et pourtant, nous faisons tous la même chose, les politiques sont peu ou prou les mêmes, les courbes sont les mêmes, les méthodes les mêmes, les résultats certes meilleurs ici et pires là, mais il est encore trop tôt pour savoir vraiment, l’arrêt sur image ne vaut pas le film.
Mais notre caractéristique à nous c’est de ne pas dire qu’on aide (car dans les faits on aide), ne pas dire qu’on espère, ne pas dire qu’on apprécie, c’est dire qu’on en veut, qu’on déteste et qu’on se vengera.
« On fera les comptes… »

Oui le pouvoir a failli. Moins dans les actes que dans le discours. Mais le discours fait acte. Car les deux grands mensonges qu’on lui reproche à juste titre ont sapé la confiance et ça, c’est une réalité qui pèse sur nous. Nous ne sommes plus derrière lui comme il aurait fallu, nous ne voulons pas « jouer le jeu » alors qu’il serait vital de le faire. Les mensonges du pouvoir nous ont jetés dans un doute suicidaire. Le premier mensonge sur les masques (ne pas dire ouvertement la pénurie et nous faire croire qu’il ne servait à rien d’en porter) n’a pas servi de leçon. Aussitôt avoué qu’en émergeait un autre : le mensonge sur les tests. Nous n’en avions pas, pas assez, nous n’avons pas su en fabriquer, pas assez tôt. Pourquoi ne pas le dire au lieu de nous dire d'abord qu'il y en aurait suffisamment puis ensuite qu'il ne servait à rien que ce soit massif ?
Les parents ne veulent jamais avouer leurs faiblesses à leurs enfants, ne pas leur dire qu’ils fument, qu’ils mentent, qu’ils ne savent pas, qu’ils ont peur eux-aussi.
Nous ne sommes pas des enfants.
Et de nous avoir pris pour tels le pouvoir a failli et peut-être ne s’en remettra-t-il pas.
Il faut dire qu’on ne l’a pas aidé. La crise des gilets jaunes, les grèves contre les retraites, autant de preuves que nous ne sommes pas adultes. Nous voulons tout casser.
Non, nous ne les avons pas aidés. Certains avalent de la chloroquine en prévention ! Certains hommes politiques ont supplié d’en faire un traitement national ! Il faudra se souvenir de leur sang-froid à ceux-là.

L’opposition n’en a aucun de sang-froid. Seuls ceux qui se taisent aujourd’hui (Baroin ? Hollande ?) semblent avoir compris que c’était la seule façon de faire preuve de responsabilité. Non, il faudrait aider, participer, proposer des solutions non pas contre mais avec le pouvoir ! Ça, c’est de la responsabilité. Les mutiques se préparent pour 2022.
Les autres tempêtent, critiquent, réagissent à des événements qui n’ont pas encore eu lieu. Ils s’opposent, les braves, ils ne pensent et ne se réduisent qu’à ça, s’opposer.
Quand ils seront au pouvoir ils s’opposeront encore et probablement ne supporteront pas qu’on s’oppose à eux, crieront encore au scandale.
Ils sont calculateurs, démagogues, ne font rien pour nous sortir de la crise, ne nous servent à rien. L’opposition française est aujourd'hui notre double peine.

Les médias boursoufflent leur rôle de contre-pouvoir. France-Info à l’avant-poste. Derrière elle, les chaînes d’information en continu. On pourrait penser que tel le scorpion qui pique la grenouille, ils n’y peuvent rien : c’est leur nature.
Le bashing habituel est tout simplement contre-productif aujourd’hui. La branche vacille.
Quelle vanité !
Le vrai contre-pouvoir des médias n’est pas la critique, c’est l’information. C’est la présentation du réel contre l’idéologie ou la raison d’État. C’est la présentation du monde tel qu’il est.
Heureusement dans le fourmillement incessant des news, il y a encore moyen de choisir le sérieux et le fiable. Mais quelle énergie ! Quel combat quotidien pour échapper à la médiocrité et à la malhonnêteté !
Les médias ne nous aident pas, c’est nous qui aidons les médias en faisant notre choix et notre opinion par nous-mêmes. Ça nous épuise.

Le gouvernement peut parfois prendre de mauvaises décisions mais jusqu’à maintenant il n’a eu surtout qu’un mauvais discours. 
A l’opposition nous ne devons rien. Ni notre salut, ni nos espoirs.
Les médias publics nous abreuvent de commentaires et nous désespèrent. Nous avons nos opinions, nous n’avons pas besoin des leurs.
Les réseaux sociaux nous aident à tenir. Nous nous envoyons des messages, nous nous voyons malgré notre enfermement, nous nous écoutons mais la somme des interventions anonymes ou protégées par le nombre continue d’être l’expression d’une agressivité qui nous esquinte.

Nous ne sommes pas idiots. Nous savons qu’il faut en sortir. Nous savons que la crise économique va nous abimer encore plus que la crise sanitaire. Nous savons que nous avons fait ce choix pour préserver surtout la vie de nos parents. Car qu’est-ce que serait notre vie si nous avions fait un autre choix ? 
Nous savons que nous n’avons pas d'autre choix que de changer de vie. Nous pouvons râler, critiquer, nous opposer : nous n’avons d’autre choix que de sortir prudemment. Quelle que soit la date exacte, le nombre d’enfants par classe, de voyageurs par rame, de clients par magasin, nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter notre destin en le faisant nôtre comme pour le confinement.
Nous avons envie d’exprimer notre angoisse, de la transformer en colère. Après tout nous ne sommes pas en charge. Mais les politiques qui sont en charge ou qui aspirent à l’être ? Les députés, les sénateurs, ont-ils ce droit-là ? Les avons-nous élus pour ça ?
Les avons-nous élus pour scier la branche sur laquelle nous sommes assis ?

« Nous ferons les comptes ». La phrase à la mode.
Certains les font déjà
Eh bien nous les ferons.
Nous évaluerons le Président et le gouvernement à l’aune de ce qu’ont fait les autres, des résultats des autres, de la planète entière. Et nous dirons : L’Allemagne a fait mieux ? Mieux contre la crise sanitaire et mieux probablement contre la crise économique. Et nous chercherons le parti politique qui propose de prendre l’Allemagne comme modèle. Nous deviendrons fédéralistes et partisans de la rigueur budgétaire ?

Nous évaluerons les idéologies face à cette crise. Nous évaluerons la responsabilité de cette gauche qui n’a pas réussi à convaincre les électeurs de la pertinence de sa vision. Pourquoi n’est-elle pas au pouvoir ? Nous évaluerons la responsabilité de l’extrême gauche sur son incapacité éternelle à convaincre plus qu’un tout petit nombre, elle qui veut pourtant le bonheur de tous. N’est-elle pas responsable de sa propre impuissance ? Nous évaluerons la responsabilité de cette droite qui crie au meurtre et qui prône la chloroquine et de cette autre qui a demandé que soient maintenues les élections municipales, nous évaluerons la responsabilité de l’extrême droite qui a proposé comme seule solution la fermeture des frontières, comme les États-Unis l’ont fait avec les résultats que l’on sait.
Tous ceux-là, nous ont-ils aidés ?
Au niveau local, au niveau des mairies, on veut bien le croire. Redevenus bêtement humains en charge des affaires ils ont dû batailler eux-aussi. Mais politiques, ils nous ont juste infligé une double punition.
Alors oui nous ferons les comptes à la fin. Qui a scié la branche ? Qui a tout fait pour qu’elle ne tombe pas ?
Et nous nous poserons la question à nous-mêmes.
Nous qui ne sommes pas des enfants.

13 avril 2020

La double peine

La double peine.

La double peine : ‪Enfermés chez nous, en pleine crise sanitaire et économique majeure nous devons également subir la bassesse des opposants populistes et leurs avatars (Ciotti). Aucune compassion. Aucun dépassement. Une cohorte de petits politiciens calculateurs qui ajoutent à la punition.

Chloroquine et démagogie scientifique. Les résultats des études engagées sont d'ores et déjà contestés s’ils s’avéraient négatifs. Preuve qu'il s'agit ici d'une théorie du complot qui ne reconnaitra aucune objection de la réalité. Le populisme médical valide sa science par referendum.

Macron rend visite à Raoult…
Uniquement pour désamorcer le complotisme que toute cette pathétique histoire alimente.

Aujourd’hui on gouverne comme ça : en fonction des réseaux sociaux. Raoult parle aux réseaux sociaux.
Lisez sa tribune dans les Échos, édifiant !
Il accuse les laboratoires d’avoir favorisé l’addiction chez les malades du Sida…
Rien n’y fera, il aura toujours raison, quels que soient les résultats des études sérieuses. Elles auront été mal menées, mal pensées, il y aura des erreurs d’interprétation. Et les résultats auront été trafiqués.
Double peine.

On va avoir droit au révisionnisme médiatique.
Le fantasme a toujours raison contre la réalité. Car il ne s’appuie pas sur les faits. Il s’appuie sur le désir.

On abreuve les gens d’un message : « Y est X »
On martèle jour après jours ce message.
Puis on fait un sondage.
Question :  Pensez-vous que Y est X ?
65% des Français le pensent…
CQFD
Double peine.

Le cercle vicieux de l’inanité intellectuelle.
Le règne des réseaux sociaux.
Les décisions sont prises au grand café du commerce universel.

Etait-ce si difficile de dire : "nous n’avons pas de masque. Il faut garder le peu que nous avons pour le personnel soignant" ?
Ne pas oublier que leur message a été relayé par certains représentant du personnel de santé. Je me souviens très bien, à la télévision, on nous expliquait que les masques étaient inutiles voire dangereux si on ne savait pas les mettre.
Ce discours était une stratégie perdante à moyen terme. Elle a gagné des masques pour les hôpitaux, elle a perdu la confiance.

La leçon : ne pas dire toute la vérité obligatoirement, car il y a toujours un moment pour la vérité. Le bon moment.
Mais ne dire que la vérité.

Les stocks de masques n’ont pas été renouvelés depuis 2011. Il fallait faire des économies. Qui aurait contesté cette politique ? Qui a dit, à l’époque : nous avons échappé aux épidémies du SRAS, de H1N1 parce que nous avons eu de la chance et non pas parce que nous étions préparés. Un jour nous n’aurons plus cette chance. Préparons-nous. Ce sont des avertissements.
Qui a dit ça ?
Quel est le politique qui une fois élu en 2017 à la place de Macron aurait décidé de renouveler les stocks de masques ?

Il n’empêche ! On nous a infantilisé.
Péché d’aliénation à la stupidité de la meute.
Double peine.

On nous a confondu avec les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, ça n’est pas nous, ça n’est pas les gens.  On a préféré nous vendre une fake news plutôt que nous dire la vérité.
Elle était criante pourtant ! Sommes-nous si stupides et naïfs ?
Nous savions bien que les masques servaient à quelque chose : Nous pouvons être porteur du virus sans le savoir. Porter un masque qui protège l’autre a absolument du sens.
Nous le savions bien mais nous avons accepté ce discours suspect.
Car nous en avions compris le sens : pénurie de masques, priorité à l’hôpital.
Nous avons accepté parce que nous savions.

Le rapport de LFI avec les réseaux sociaux est un rapport passionnel.
Critiquez Mélenchon et une vague d’insultes vous submerge. On vous traite de connard et de bobo macroniste. « On » ? Certains viennent du milieu du cinéma ou de la télévision, des gens célèbres…
La vague est massive et violente. Jamais aucun argument, toujours des attaques personnelles.
Aidés par les trolls russes qui ont pour mission d’attiser les haines et les divisions.
C’est la stratégie de la Russie : diviser l’Europe, qu’elle tombe en morceaux. C’est Poutine qui les ramassera. La Russie ne fait pas le poids face à une Europe unie. La Russie sera plus forte que n’importe laquelle des nations isolées qui la composent.

Les médias jouent un jeu dangereux.
Le Macron-bashing, après le Hollande-bashing de Radio France est d’une stupidité sans nom.
Ils ont l’obsession d’être un contre-pouvoir. A ce titre ils ne peuvent JAMAIS dire ce qui va bien.
Ils ne diront jamais, par exemple, que l’hôpital a aussi été sauvé par l’organisation logistique des déplacements de malades.
Ça a fonctionné. C’est ça qui aussi a permis à l’hôpital de tenir au plus gros de la vague. C’est ça qui a aussi sauvé des vies.
Ne pas l’avouer non, ne pas le mettre en avant.
J’entends encore ces professeurs répondre aux interviews : « c’est dur mais on y arrive, on trouve nos marques » en parlant des cours à distance.
Mais non, avouez que vous n’y arrivez pas ! Avouez que les inégalités se creusent ! Avouez-donc que ça va mal !
Il faut désespérer les Français contre leur gouvernement.
« Nous ne sommes pas des godillots» : le grand principe de la radio publique qui confine à la bêtise et interdit finalement l’information.
L’information doit être comme la réalité. Elle peut être négative ou positive. C’est ça l’information contre l’idéologie.
A les entendre, le pouvoir est toujours mauvais, toujours menteur, toujours incompétent.
Cette absence de mesure, d’honnêteté prépare l’arrivée du populisme au pouvoir.
Mais quand le populisme sera au pouvoir, auront-ils encore le pouvoir et la liberté de le critiquer ?

C’est notre double peine : Ces politique et ces médias, plus audibles que les autres, comme les grandes gueules, qui sont aliénés aux réseaux sociaux, à ce discours de la meute, toujours furieux, toujours simpliste, toujours paranoïaque.
Le discours de l’angoisse faite rage.

Où sont les politiques de bonne volonté ? La plupart se taisent. Ils n’osent rien dire.  Quand ils parlent c’est toujours en ajoutant un : « il sera toujours temps de faire les comptes ».
Un petit gage donné aux enragés.

Les experts, les élites, les sachant… on leur crache dessus. Ils ne savent pas assez ! Ils ne sont pas sûrs d’eux, ils hésitent ! C’est leur crime.
Les médecins ne savent pas, les épidémiologistes ne savent pas, les politiques ne savent pas.
C’est un scandale ! La réalité les a terrassés. C’est inacceptable. Incompétents ! Bouffons ! Assassins !
Nous voulons un leader tout puissant, un leader, un sachant, que la réalité ne puisse terrasser, ne puisse même surprendre ! Un leader plus fort que cette science lente et impuissante. Un leader plus fort que les statistiques.

Un leader qui fasse la loi au réel.

L’appel à ce leader, qui perce à travers la parole populiste, à travers le discours des réseaux sociaux, qui réponds à la logique folle des médias aliénés au sensationnel et à la fureur, cet appel qui monte aujourd’hui autant que la courbe des contaminations…
C’est notre double peine.

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