24 mars 2021

La fin de la fin des idéologies

Le film « Un Monde sans pitié » est sorti en 1989, la même semaine que la chute du mur de Berlin…

Le communisme avait, contre toute attente, atteint sa limite. Ce régime totalitaire qui devait durer au-delà de ses gouvernants, à l’opposé des dictatures militaires d’Amérique du Sud, s’effondrait de lui-même, confronté à la mondialisation de l’époque, où les vidéocassettes et la télévision jouaient le rôle émancipateur d’Internet.

Il est toujours préférable de se couper du monde pour soumettre un peuple.


Les personnages y erraient dans un monde laissé à lui-même, où les idéologies avaient fait tellement de mal qu’il fallait s’en méfier. Les grandes idées généreuses n’étaient que des prétextes pour briser les âmes.

Du coup, plus d’idéologie, seulement le Grand Marché Européen et l’amour... Il n’y avait pas de quoi se réjouir.

On pouvait danser et fêter la fin des grandes illusions qui avaient fait des millions de morts, les yeux grands ouverts. 

Les yeux grands fermés diraient Kubrick.


Car la force de l’illusion est sans limite. L’existence nous angoisse trop pour ne pas lui imposer un sens, avec la violence qu’il faut, à la mesure de notre perdition.


Il suffisait d’attendre un peu, attendre que la foi dans le marché s’estompe.

Puis est née cette nouvelle idéologie, née de la misère peut-être, de la frustration plus sûrement, de l’humiliation, du sentiment d’avoir été floué et violenté : l’Islamisme.

Né en 1979, dix ans avant la fin de son grand Cousin. 


En un seul mot, l’Islam, cette grande religion monothéiste, était placé au cœur d’un projet politique voire révolutionnaire. On parlait de République… islamique.

Une idée, une religion et un projet politique de libération… et alors évidemment tout est possible, tout est permis.

Pour le bien de tous, le bonheur de chacun, on peut accepter tous les sacrifices. 

A cet égard le communisme était aussi une religion.

Il faut un ennemi dont on contestera le pouvoir et il faut aussi une victime à défendre car sinon on ne se situe pas suffisamment du côté du Bien. 

Seul le Bien nous permet tranquillement de faire le mal.


Si on n’en trouve pas, il faut en inventer, élever les uns au statut de dictateur et les autres au statut de victime. C’est la force de l’idéologie qui se fonde sur le déni du Réel et la réalisation du fantasme.

La réalité n’est qu’une fiction qu’il faut détruire pour la remplacer par une autre. Une autre qui servira mieux notre volonté de pouvoir.


Ça a donc commencé le 11 septembre 2001 avec cette idée de « l’arme du pauvre » en parlant du terrorisme islamiste. L’arme du pauvre donc l’arme légitime.

Les terroristes (ceux qui se faisaient sauter dans les bus israéliens, ceux qui envoyaient les avions de ligne dans les tours du WTC, ceux qui posaient des bombes dans les trains ou métros de Madrid et Londres, avaient raison de tuer des innocents car personne n’est innocent (l’idée du mâle blanc coupable n’est pas très loin). Ils étaient en guerre contre bien plus puissant qu’eux. Ils avaient le droit de tuer au moins autant que les bombes US et comme ils étaient loin du compte, ils avaient le droit de tuer autant qu’ils le pouvaient. Chapitre 1.


Ça a continué avec les systématiques « pas d’amalgame » brandis à chaque attentat en France : Merah, Charlie, le Bataclan.

Le premier réflexe, avant la compassion (qui ne venait pas), avant la condamnation (de pure forme), était de prévenir une éventuelle et peut-être immédiate répression des musulmans consécutive à l’acte de terreur lui-même.

Tout de suite protéger les musulmans, comme s’il était si naturel de penser qu’ils allaient être les victimes collatérales d’attentats dans lesquels, déjà, nombre d’entre eux étaient tombés.

Etait-ce un fantasme ou était-ce un calcul ?

A chaque attentat islamiste, il s’agissait tout de suite d’évoquer une réaction contre les musulmans afin justement de dessiner un monde mûr pour tous les séparatismes.

C’est le projet des Islamistes eux-mêmes : monter la société contre les musulmans qui vivent en son sein afin de créer une dichotomie propice au renversement de pouvoir.

Chapitre 2


Et maintenant l'accusation d'islamophobie. 

Comme elle est utile ! Et efficace car elle joue sur la culpabilité (blanche).

Combattre ou critiquer l'islamisme politique radical serait faire preuve de racisme envers les musulmans.

Le concept d’islamophobie est la mise en œuvre de l’amalgame honni. Ce sont les accusateurs qui le pratiquent. Toujours le même projet. Puisque les attentats eux-mêmes ne parviennent pas à fracturer la société, l’accusation d’islamophobie prendra le relais. 


L’islamisme est un projet politique radical et souvent violent. Ça n'est pas une religion. Combattre l'islamisme n'est évidemment pas combattre l'Islam ni les musulmans.

Nous devons lutter contre ce projet politique qui tue, conteste les valeurs républicaines et rejette la démocratie.

Ceux qui parlent d’islamophobie à ce sujet, par calcul ou par naïveté, participent du projet islamiste en faisant justement l’amalgame qui permettrait à terme de diviser la société.


Les idiots utiles de l’islamisme sont autant de droite que de gauche. On y trouve des politiques cyniques, des intellectuels en perdition, des mouvements et associations instrumentalisées et radicalisées. 

Toute radicalité est bonne à prendre.

Le rêve des islamistes : que tout le monde soit d’extrême droite ou d’extrême gauche. Leur ennemi : la raison, la rationalité, la modération. Bref tout ce qui peut nous faire vivre en paix.


Là-dessus viennent s’adjoindre de nouvelles idéologies, celles des mouvement racialistes, indigénistes, décoloniaux, les wokes (les « éveillés »… Cela me fait penser au rôle d’avant-garde du parti communiste léniniste), bref les « intersectionnels ».

Ceux-là s’en prennent au mâle blanc qui est en nous, qui se niche aussi chez les femmes (les mauvaises féministes), les mauvais racisés (ceux qui ne comprennent pas et qui luttent trop simplement contre le racisme réel, concret).

Un mouvement qui se caractérise non par l’antiracisme mais par l’anti-antiracisme.

Un mouvement qui se caractérise par une lutte contre le langage plutôt que les actes. 

Un mouvement qui verse dans l’intimidation, le harcèlement, la censure. 

Un mouvement qui s’oppose aux universalistes antiracistes. Ceux-là il faudrait les éduquer comme il faut éduquer les blancs et leur faire comprendre à quel point ils ont le mal en eux. Ça commence par des ateliers et ça finit par des camps.


Que tant de jeunes soient impressionnés par cette idéologie participe de la générosité et du romantisme propre à la jeunesse. Cette générosité, ce souci de l’autre, s’est autrefois incarnée à travers des mouvements comme « touche pas à mon pote ».

Qu’on souhaite laisser tranquille son prochain, ne pas lui reprocher sa religion, sa couleur de peau, sa sexualité, c’est cette générosité de la jeunesse qui l’exprime.


Cette générosité est aujourd’hui instrumentalisée par une idéologie raciste, radicale, retorse et dangereuse à tous égards.


C’est pourquoi Un Monde Sans Pitié est bien loin.

Nous vivons depuis quelque temps la fin de la fin des idéologies.

Et le retour de tous les dangers qu’elles peuvent de nouveau créer.

01 mars 2021

2022

Aujourd’hui l’incapacité de la gauche comme de la droite à présenter un candidat d’alternance crédible donne à la confrontation entre Macron et Le Pen un caractère quasi inévitable, ce qui ne manque pas de déprimer tous ceux qui ne souhaitent ni l’un ni l’autre.

Il semblerait que la déception relative à Macron rende la victoire de Le Pen plus possible que jamais, et cela par le biais d’une abstention massive d’un côté et d’une mobilisation solide de l’autre.


Finalement, et ça se sent autour de moi, ça se lit sur les réseaux sociaux et ça s’entend un peu partout, la gauche va faire défaut à Macron.

« On ne m’y reprendra plus » est l’argument souvent entendu.

Ce qu’il y a d’excessif, et même d’intellectuellement contestable voire malhonnête à renvoyer dos à dos l’extrême droite et ce que représente Macron ne saurait masquer la puissance d’un sentiment nourri de toutes parts, par les colères, les incompréhensions, les calculs aussi.


Certains sont prêts à laisser gagner l’ignoble pour mieux en récupérer les suites. Un bon coup de balais, cinq ans à serrer les dents, et nous retrouverons le chemin du pouvoir, tel pourrait être le crédo de quelques opportunistes. D’autant plus qu’il y aurait quelque chose à gagner à être opposant à Le Pen. La bataille à ce titre serait rude et peut-être pervertie mais la gauche serait probablement la mieux placée pour jouer cette pièce dangereuse.


Il n’empêche qu’au-delà des calculs politiciens méprisables parce que méprisant la République, au-delà de la confusion qui empêche de hiérarchiser les frustrations et fait confondre deux forces qui ne se situent pas sur le même terrain (celui du respect des valeurs républicaines), le danger d’une victoire de l’extrême droite est réel et s’appuie sur la faiblesse de la proposition qui s’y opposera.


Malheureusement, en termes de proposition, ni la gauche, ni l’écologie, ni la droite modérée ne sont aujourd’hui crédibles, faute pour les uns de ne pas savoir dépasser les idéologies d’hier, pour les autres de ne pas savoir faire preuve de responsabilité, et pour les derniers de ne pas savoir quel leader pourrait mettre de l’ordre dans leurs errements politiques et leurs batailles d'égo.


Pour faire barrage à Le Pen, nous n’avons aujourd’hui que Macron. Il faut faire avec.

Mais si ledit Macron ne pense pas correctement la situation et ce qu'elle implique, nous n’aurons personne.


D’avoir fait table rase dans le paysage politique français, d’avoir dégagé les uns et les autres, donne une responsabilité.

On a traité Macron de président des riches, de technocrate, de banquier, d’ultra-libéral.

Les réalités sociales et économiques d’aujourd’hui contredisent tous ces jugements mais aucune ne peut compenser une autre réalité : Macron, au centre, a fait le plein des critiques et des oppositions et même des haines. Il a constitué un petit carré qui s’est rétréci au fil du temps et s’est transformé en îlot assiégé par toutes les forces possibles.


Séduire une partie de ces forces est son challenge.

La crise du Covid peut lui en fournir occasion et possibilité. Car la crise l’a conduit à se réformer lui-même et à réformer sa vision de l’avenir.

Oui les écologistes voudraient plus d’écologie, oui la gauche voudrait plus de justice sociale et d’ouverture sociétale, oui la droite voudrait plus de liberté économique et de fermeté régalienne, mais tout ceci n’est juste que la revendication d’avoir plus quand tout est déjà en œuvre.


La protection sociale offerte en France par rapport à la crise n’a que peu d’équivalent dans le monde, les avancées écologiques sont peut-être insuffisantes mais elles sont réelles, la volonté de réforme économique ne peut être remise en cause.

Tout le monde veut plus, les revendications sont contradictoires et le plus petit dénominateur commun de toutes ces frustrations sera Le Pen si Macron n’y prend pas garde.


Chirac n’avait pas tenu compte des raisons de sa victoire en 2002.

Macron doit proposer un pacte social et politique aux Français, doit leur proposer une équipe crédible pour le mettre en œuvre.

Il s’agit ici de reconstruction, de réparation des dégâts après la crise.

Une crise qui a révélé les faiblesses françaises. C’est un nouveau chantier de réforme et ça n’a plus rien à voir avec l’ancien.

Tout le monde sera d’accord pour travailler à nous mettre à l’abris. Cette mise à l’abris implique la réforme, implique des sacrifices, des renouvellements, des mises à jour, mais elle peut être comprise de tout le monde.

Car il est vrai que la crise sanitaire concerne tout le monde et les raisons pour lesquelles la France a faibli ici ou là pour y répondre (et faiblit encore), ne sont pas très difficiles à analyser.


Macron doit proposer un nouveau contrat aux Français, il doit leur proposer un nouveau chemin, un chemin qui ne doit rien au précédent. Il n’a pas le choix.


S’il n’y parvient pas alors oui, il sera responsable de sa défaite, autant qu’en sera responsable la mauvaise foi de ceux qui feignent d’ignorer la signification de leur abstention, il sera responsable de notre défaite à tous.

Mais aujourd’hui il peut encore relever ce défi : nous proposer un nouveau chemin de reconstruction et de protection.


Ça sera le sens du choix à faire si les équilibres ne changent pas d’ici là : Qui va le mieux reconstruire, qui va le mieux nous protéger des catastrophes à venir ? Qui va transformer notre vieux pays, lent à la détente, hésitant, englué dans une Europe inévitable mais si difficile à bouger, qui va réformer cette dame vieillissante et presque dépassée qui ne parvient plus à nous convaincre qu’elle peut être un abris contre les menaces de ce monde ?


Au-delà des préférences politiques et des calculs politiciens, voilà le sens des questions auxquelles on aura besoin de trouver réponse.