Aujourd’hui l’incapacité de la gauche comme de la droite à présenter un candidat d’alternance crédible donne à la confrontation entre Macron et Le Pen un caractère quasi inévitable, ce qui ne manque pas de déprimer tous ceux qui ne souhaitent ni l’un ni l’autre.
Il semblerait que la déception relative à Macron rende la victoire de Le Pen plus possible que jamais, et cela par le biais d’une abstention massive d’un côté et d’une mobilisation solide de l’autre.
Finalement, et ça se sent autour de moi, ça se lit sur les réseaux sociaux et ça s’entend un peu partout, la gauche va faire défaut à Macron.
« On ne m’y reprendra plus » est l’argument souvent entendu.
Ce qu’il y a d’excessif, et même d’intellectuellement contestable voire malhonnête à renvoyer dos à dos l’extrême droite et ce que représente Macron ne saurait masquer la puissance d’un sentiment nourri de toutes parts, par les colères, les incompréhensions, les calculs aussi.
Certains sont prêts à laisser gagner l’ignoble pour mieux en récupérer les suites. Un bon coup de balais, cinq ans à serrer les dents, et nous retrouverons le chemin du pouvoir, tel pourrait être le crédo de quelques opportunistes. D’autant plus qu’il y aurait quelque chose à gagner à être opposant à Le Pen. La bataille à ce titre serait rude et peut-être pervertie mais la gauche serait probablement la mieux placée pour jouer cette pièce dangereuse.
Il n’empêche qu’au-delà des calculs politiciens méprisables parce que méprisant la République, au-delà de la confusion qui empêche de hiérarchiser les frustrations et fait confondre deux forces qui ne se situent pas sur le même terrain (celui du respect des valeurs républicaines), le danger d’une victoire de l’extrême droite est réel et s’appuie sur la faiblesse de la proposition qui s’y opposera.
Malheureusement, en termes de proposition, ni la gauche, ni l’écologie, ni la droite modérée ne sont aujourd’hui crédibles, faute pour les uns de ne pas savoir dépasser les idéologies d’hier, pour les autres de ne pas savoir faire preuve de responsabilité, et pour les derniers de ne pas savoir quel leader pourrait mettre de l’ordre dans leurs errements politiques et leurs batailles d'égo.
Pour faire barrage à Le Pen, nous n’avons aujourd’hui que Macron. Il faut faire avec.
Mais si ledit Macron ne pense pas correctement la situation et ce qu'elle implique, nous n’aurons personne.
D’avoir fait table rase dans le paysage politique français, d’avoir dégagé les uns et les autres, donne une responsabilité.
On a traité Macron de président des riches, de technocrate, de banquier, d’ultra-libéral.
Les réalités sociales et économiques d’aujourd’hui contredisent tous ces jugements mais aucune ne peut compenser une autre réalité : Macron, au centre, a fait le plein des critiques et des oppositions et même des haines. Il a constitué un petit carré qui s’est rétréci au fil du temps et s’est transformé en îlot assiégé par toutes les forces possibles.
Séduire une partie de ces forces est son challenge.
La crise du Covid peut lui en fournir occasion et possibilité. Car la crise l’a conduit à se réformer lui-même et à réformer sa vision de l’avenir.
Oui les écologistes voudraient plus d’écologie, oui la gauche voudrait plus de justice sociale et d’ouverture sociétale, oui la droite voudrait plus de liberté économique et de fermeté régalienne, mais tout ceci n’est juste que la revendication d’avoir plus quand tout est déjà en œuvre.
La protection sociale offerte en France par rapport à la crise n’a que peu d’équivalent dans le monde, les avancées écologiques sont peut-être insuffisantes mais elles sont réelles, la volonté de réforme économique ne peut être remise en cause.
Tout le monde veut plus, les revendications sont contradictoires et le plus petit dénominateur commun de toutes ces frustrations sera Le Pen si Macron n’y prend pas garde.
Chirac n’avait pas tenu compte des raisons de sa victoire en 2002.
Macron doit proposer un pacte social et politique aux Français, doit leur proposer une équipe crédible pour le mettre en œuvre.
Il s’agit ici de reconstruction, de réparation des dégâts après la crise.
Une crise qui a révélé les faiblesses françaises. C’est un nouveau chantier de réforme et ça n’a plus rien à voir avec l’ancien.
Tout le monde sera d’accord pour travailler à nous mettre à l’abris. Cette mise à l’abris implique la réforme, implique des sacrifices, des renouvellements, des mises à jour, mais elle peut être comprise de tout le monde.
Car il est vrai que la crise sanitaire concerne tout le monde et les raisons pour lesquelles la France a faibli ici ou là pour y répondre (et faiblit encore), ne sont pas très difficiles à analyser.
Macron doit proposer un nouveau contrat aux Français, il doit leur proposer un nouveau chemin, un chemin qui ne doit rien au précédent. Il n’a pas le choix.
S’il n’y parvient pas alors oui, il sera responsable de sa défaite, autant qu’en sera responsable la mauvaise foi de ceux qui feignent d’ignorer la signification de leur abstention, il sera responsable de notre défaite à tous.
Mais aujourd’hui il peut encore relever ce défi : nous proposer un nouveau chemin de reconstruction et de protection.
Ça sera le sens du choix à faire si les équilibres ne changent pas d’ici là : Qui va le mieux reconstruire, qui va le mieux nous protéger des catastrophes à venir ? Qui va transformer notre vieux pays, lent à la détente, hésitant, englué dans une Europe inévitable mais si difficile à bouger, qui va réformer cette dame vieillissante et presque dépassée qui ne parvient plus à nous convaincre qu’elle peut être un abris contre les menaces de ce monde ?
Au-delà des préférences politiques et des calculs politiciens, voilà le sens des questions auxquelles on aura besoin de trouver réponse.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe partage tout vos points de vue.
En revanche, vous devez vous sentir bien seul dans le milieu dans lequel vous évoluez !
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMerci pour cette analyse posée, sans parti pris à part celui du bon sens. J’y ajouterais un paramètre sociologique, voir psychologique : la perte d’intérêt pour l’effort (grand flemmard moi-même je sais de quoi je parle). Peut-être un effet de désillusion après la promesse du bonheur par les avancées technologiques des 30 glorieuses. Peut-être trop de filets de sécurités sociales qui émoussent l’instinct de survie. Peut-être. Les théories s’affrontent. Moi je pense qu’il y a avant tout, et partout dans le monde occidental, un problème d’envie, de motivation. Je vous rejoins donc sur « un nouveau contrat - un nouveau chemin ». Et il me semble que c’est un boulot de communication plus qu’une restructuration politique. Je parle de communication sincère, efficace, pas d’enfumage. Le politique n’a toujours pas compris la capacité du bas peuple à décoder immédiatement la sincérité. Bon, je m’emballe un peu sur le tango, c’est un autre débat.
RépondreSupprimerMerci pour cette analyse posée, sans parti pris à part celui du bon sens. J’y ajouterais un paramètre sociologique, voir psychologique : la perte d’intérêt pour l’effort (grand flemmard moi-même je sais de quoi je parle). Peut-être un effet de désillusion après la promesse du bonheur par les avancées technologiques des 30 glorieuses. Peut-être trop de filets de sécurités sociales qui émoussent l’instinct de survie. Peut-être. Les théories s’affrontent. Moi je pense qu’il y a avant tout, et partout dans le monde occidental, un problème d’envie, de motivation. Je vous rejoins donc sur « un nouveau contrat - un nouveau chemin ». Et il me semble que c’est un boulot de communication plus qu’un restructuration politique. Je parle de communication sincère, efficace, pas d’enfumage. Le politique n’a toujours pas compris la capacité du bas peuple à décoder immédiatement la sincérité. Bon, je m’emballe un peu sur le tango, c’est un autre débat.
RépondreSupprimerMerci pour cette analyse posée, sans parti pris à part celui du bon sens. J’y ajouterais un paramètre sociologique, voir psychologique : la perte d’intérêt pour l’effort (grand flemmard moi-même je sais de quoi je parle). Peut-être un effet de désillusion après la promesse du bonheur par les avancées technologiques des 30 glorieuses. Peut-être trop de filets de sécurités sociales qui émoussent l’instinct de survie. Peut-être. Les théories s’affrontent. Moi je pense qu’il y a avant tout, et partout dans le monde occidental, un problème d’envie, de motivation. Je vous rejoins donc sur « un nouveau contrat - un nouveau chemin ». Et il me semble que c’est un boulot de communication plus qu’un restructuration politique. Je parle de communication sincère, efficace, pas d’enfumage. Le politique n’a toujours pas compris la capacité du bas peuple à décoder immédiatement la sincérité. Bon, je m’emballe un peu sur le tango, c’est un autre débat. Didier Guedj
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