C’est bien la campagne électorale, on apprend des choses.
On apprend par exemple que la France s’est trop endettée, au
point de ne plus pouvoir dépenser un seul sou. Les nouveautés, il faudra les
financer avec des économies.
On apprend également que l’industrie française est quasiment
morte, que la France ne produit plus grand chose si ce n’est des services et
qu’il n’y a probablement rien à faire à court et moyen terme.
C’est bien parce qu’on ne le savait pas. On ne nous l’avait
pas dit.
Alors oui, il y en a un ou deux qui le disaient mais quand
tout le monde le dit, à droite comme à gauche, ça devient plus audible. Quand
même, on n’est pas sourd. Ce n’est que depuis quelques mois que tout ça est
vraiment articulé, montré, démontré.
Evidemment, on se demande pourquoi on ne nous l’avait pas
dit avant. Pourquoi, par exemple, le pouvoir actuel, qui est en charge depuis
dix ans, ne l’a pas crié haut et fort s’il le savait et pourquoi il ne le découvre
que maintenant s’il le ne savait pas.
On pourrait aussi se demander pourquoi l’opposition ne l’a
pas dit pendant tout ce temps. Mais il est vrai qu’elle est mal en point depuis
longtemps.
Alors comment expliquer ce phénomène ?
Tous les cinq ans nous faisons un bilan à l’occasion de
l’élection présidentielle. On arrête la course, l’action et on regarde en
arrière puis en avant. En arrière c’est le bilan, et en avant c’est le
programme.
Mais que se passe-t-il pendant la mandature ? Le
pouvoir avance-t-il tête baissée sans regarder autour de lui ? Il avance,
il avance et il ne relève la tête que quand il s’agit de conserver son mandat
au moment où il doit être renouvelé ?
Le début du mandat est occupé à faire ce qu’on a dit.
Ensuite à essayer d’avancer dans la direction indiquée. Et puis on gère les
aléas (les guerres, les crises).
Qu’est-ce qu’on a dit ? Des trucs sur le bilan d’avant
(rien ne se passait, il fallait agir, faire la rupture contre Chirac) et
proposer un programme (travailler plus pour gagner plus, combattre
l’assistanat, l’insécurité, etc.)
Il y a quand même un soucis : ce qui fait le cœur du
débat aujourd’hui : la dette, la désindustrialisation, ça ne date pas
d’hier. Et donc il faut quand même faire le constat soit d’un aveuglement dû à l’idéologie,
soit à de l’incompétence, due à l’idéologie aussi.
Rien ne prouve que l’opposition, menée par François
Hollande, soit moins idéologue, c‘est à dire moins aveugle ou moins
incompétente.
On imagine aisément Hollande, une fois élu, foncer tête baissée
à créer 60 000 emplois dans l’éducation et ne pas relever la tête sur les
problèmes qu’on ne verra que cinq ans plus tard.
Mais quand même, d’un côté on fait le constat d’incompétence
de l’autre il s’agit au pire d’un soupçon d’incompétence. Le soupçon est
préférable à la certitude.
Suis-je injuste, cruel ? Idéologue moi-même ?
Qu’est-ce que la culture du résultat ? Qu’est-ce que la
philosophie de la réussite ?
Où sont les résultats comparés aux objectifs ?
Sécurité, pouvoir d’achat, rang économique de la France… Où est la
réussite ? Chômage, pauvreté, délinquance…
Depuis quand, à droite, estime-t-on qu’il faille excuser
l’échec ? Voire le récompenser ?
Alors oui il y a eu la crise…
La France a mieux résisté à la crise. C’est peut-être vrai.
Mais c’est surtout dû à la structure de notre système bancaire. C’est à dire
que nos banques étaient moins exposées aux produits dits toxiques. Alors c’est
vrai que des choses ont été faites. Mais qui ne les auraient pas faites ?
Exactement les mêmes ?
Je ne crois pas qu’on puisse imputer à la crise l’échec du
pouvoir actuel.
On peut penser que l’opposition, ne sera pas mieux, ni pire,
ça sera la même chose. Mais on n’en est pas sûr.
Je trouverais incroyable, inouï, inédit que Sarkozy soit
réélu. Je trouverais extrêmement injuste que Hollande ne devienne pas le
prochain président de la République.
Ça serait le résultat d’une campagne électorale. C’est à
dire d’un combat tactique, d’une propagande habile, d’un discours travaillé
comme un slogan publicitaire.
La réussite de l’intelligence politicienne et non pas celle
de l’intelligence politique. Le succès du sophiste. Le succès du plus pur
cynisme.
C’est contre ce cynisme là qu’il faut également voter.
Car si la politique de François Hollande risque de ne pas
être vraiment différente, sur le plan économique et social, de celle de
Sarkozy, car la marge de manœuvre du politique aujourd’hui est très réduite, il
reste que la campagne à laquelle nous assistons montre une chose : l’image
que chaque candidat a de nous.
Et celle que nous renvoie Sarkozy n’est réellement pas
glorieuse.
S’il l’emportait, nous serions alors les enfants, les
jouets, et les victimes d’une mascarade qui aura définitivement signé l’échec
de la pensée et de la politique.
Je pense que notre vote a cet enjeu également. Celui de
décider quel peuple on a envie d’être.
Ne nous méprenons pas, François Hollande n’est pas exempt de
reproches. Quand il désigne la finance comme son seul ennemi, quand il ne cesse
de stigmatiser les « riches » sans distinction, il fait de la
politique politicienne lui aussi. Il fait une « campagne de premier
tour ».
Chacun sait que s’il ne le faisait pas, il serait pour lui
inutile de s’engager dans la bataille. Son sort serait simplement celui de
Jospin.
Comme si la gauche n’avait d’autre choix que : l’honnêteté
ou la victoire.
Je crois qu’il s’agit de ça aujourd’hui, il s’agit vraiment
de savoir s’il ne nous reste plus que cette alternative : l’honnêteté ou
la victoire.
Et cette alternative, ce choix forcé, bref cette figure de
l’aliénation, c’est bien Nicolas Sarkozy qui nous l’impose.
Il faut la refuser.
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