Pour essayer de penser « l’affaire Cahuzac », il
faut essayer de se libérer de ce voudrait nous en faire penser la parole publique.
Il est de plus en plus difficile de séparer aujourd’hui
l’information de l’affect dans les médias. Les médias ne nous informent moins
qu’ils informent nos affects.
Inutile de compter sur les hommes politiques pour nous aider.
Ecouter Mélenchon ou Copé ou tout défenseur du gouvernement c’est tendre le cou
pour se faire pendre au réverbère de l’abrutissement intellectuel. Ils pensent pour nous. Ils sont offusqués. C'est la faute de celui d'en face.
L’affaire Cahuzac, donc.
Un homme, chirurgien esthétique avant que d’être politique,
a placé son argent dans un paradis fiscal afin de le soustraire à l’impôt. Cet
homme a été plus tard nommé ministre du budget, ses compétences ont été
reconnues par la classe politique tout entière, sa rigueur a été saluée, il
faisait partie des réalistes de gauche, du centre gauche, voir de la droite du
centre gauche, tout pour plaire, ou
déplaire à tout le monde. Et surtout aux pères la morale, aux idéologues, à
Edwy Plenel et Médiapart en particulier.
Son secret a été « balancé » et, drapé dans
sa réputation de rigueur, de droiture intellectuelle et de mesure politique, le
chirurgien ministre s’est enfoncé dans la « spirale du mensonge ».
Mal conseillé peut-être, il a nié, nié puis nié encore, espérant que s’essouffle
la campagne contre lui, et que s’essouffle la justice.
Mais surtout, le ministre ne pouvait revenir en arrière
car il avait menti à celui qui lui avait fait confiance, à celui qui l’avait
nommé, qui lui avait donné son nom : le Président, le Parti, le Père, qui vous voulez : Celui qui l'aimait.
Mentir à celui qui vous aime, celui qui vous a fait c’est se
condamner à vous enfoncer dans le mensonge, à aggraver la faute, à ne plus
pouvoir l’avouer ni se la faire pardonner.
Qu’importe la position de ministre, qu’importe le fait
d’être ministre du budget, de la rigueur financière, de la lutte contre
l’évasion fiscale alors même que vous faites partie des voyous. Qu’importe
cette réalité là.
La réalité humaine est plus forte, elle balaie les idées,
les idéologies et les principes politiques ou moraux.
Vous mentez à celui qui vous aime pour obtenir ou renforcer
son amour.
Plus vous mentez par amour et moins vous pouvez vous en
sortir car ce que vous allez perdre c’est ce pour quoi vous avez menti.
Qu’importe que Cahuzac affaiblisse le Président, le gouvernement,
la gauche, la République, la France.
Qu’importe parce que c’est faux.
Il est faux de dire qu’être humain affaiblisse quoi que ce
soit.
Cahuzac montre qu’un homme politique est un être humain
misérable comme les autres. Il le montre après Strauss Kahn.
Nous devons nous demander pourquoi nous voulons à ce point
que les hommes politiques soient moins humains que nous, moins misérables que
nous. Pourquoi la misère serait notre lot à nous et leur serait épargnée à eux.
Parce qu’ils ont le pouvoir ? Ils ne sont pas nés
dedans. Ils sont nés hommes comme nous avant que d’être hommes politiques. Le
pouvoir, nous le leur donnons. Et nous
faisons attention à ce qu’ils n’en abusent pas. C’est pour cela que nous avons
des contrôles, une presse libre et une justice indépendante. C’est bien parce
que nous savons que nos hommes politiques sont humains.
Cessons de nous offusquer. Le tricheur a été démasqué. Nous
aurions du mieux nous protéger en exigeant de meilleures modalités de
contrôle. Nous aurions du exiger que le pouvoir que nous concédons à certains
hommes soit compensé par un contrôle plus adroit, plus puissant. Et si nous
avons failli, nous devons simplement en prendre acte et aller plus avant dans
les réformes de notre démocratie.
Aux USA, le dispositif est plus dur. Un Cahuzac n’aurait jamais
été nommé ministre. Le cadavre dans son placard aurait été découvert bien
avant.
Mais nous, en France, nous pensons que les hommes sont purs,
doivent être purs. Pas besoin de dispositif pour nous protéger !
Il suffit juste que nos hommes politiques ne soient pas
humains ! C’est bien plus simple, bien plus sûr.
Et bien plus désastreux.
Nous sommes des idéalistes et c’est cet idéalisme qui se retourne contre nous. Nous sommes romantiques et nous nous faisons du mal.
Cahuzac nous a menti comme nous, nous nous mentons à
nous-mêmes.
Non, ce n’est pas d’être humain, messieurs les Robespierre,
qu’un homme politique peut nuire à notre société ou même la déshonorer. Ce
n’est pas d’avoir un compte bancaire secret, de se soustraire à l’impôt,
d’interdire aux autres ce qu’on fait soi-même, de mentir ou de voler.
C’est d’être inhumain. C’est d’être un dictateur, de se
servir de la politique pour manger le peuple, de tuer au nom de la pureté et de
se prendre pour Dieu.
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