12 octobre 2011

Le choix



Il semble acquis aujourd’hui que le président sortant soit rejeté par une grande majorité de français et, sauf cataclysme possible, qu’un second quinquennat lui soit refusé. Qui que ce soit qui se présenterait en face de lui, pourvu qu’il soit un peu sérieux, aurait toutes les chances de devenir le prochain président de la République.
C’est sur la base de cette supposition que nous assistons cette semaine à une situation pour le moins étonnante : le chantre de la démondialisation et de la sixième république soumet les deux finalistes de la primaire socialiste à un chantage intellectuel et politique. D’aucuns plus modérés diraient : une simple pression légitimée par ses 17% du premier tour. Et nous voyons ces deux finalistes en difficulté d’avoir au mieux à ne pas vexer ces électeurs si précieux en vue de la victoire finale.
Le présupposé est faux.
La situation qui en résulte est grotesque.
Et le résultat risque bien d’être un amusant - ou tragique - paradoxe : la victoire du président sortant.
Nicolas Sarkozy n’est pas en campagne. Aujourd’hui seule la gauche parle, martèle ses arguments au risques de les user. Seuls des lieutenants zélés et maladroits répondent aux critiques. De toute façon, la campagne n’a pas commencé et l’action du président en tant que tel n’est pas terminée.
Aujourd’hui, il n’y en a un seul qui trime face à une crise financière et économique angoissante, pesante, qui a changé les termes du débat à venir, ne serait-ce qu’en éclairant d’une lumière crue, entre autres, le thème pas très sexy du déficit budgétaire.
Quand il sera temps pour lui de s'intéresser à sa réélection, il lèvera la tête et, fort de ses succès ou de ses efforts, sortira les crocs. Et tout le monde sait qu’il en a.
Quoiqu’on dise, son bilan n’est pas catastrophique. Aujourd’hui certes personne ne le défend. Bien naïfs seraient ceux qui pensent qu’il est indéfendable.

C’est d’une illusion d’optique que l’on puisse inférer qu’une gauche «dure»parce que ragaillardie par l’espoir d’une chance historique soit en mesure de l’emporter contre la droite. Une illusion d’optique et une catastrophe annoncée.
La gauche dure (quand on accuse son adversaire d’incarner une gauche molle on se réclame par là même de la gauche dure), c’est à dire la gauche d’hier, de l’union de la gauche, des nationalisations, des trente cinq heures, de la démondialisation (et pourquoi pas de la désinternetisation pendant qu’on y est ?  comme si la mondialisation était un système politique !), la gauche du «non» à l’Europe, cette gauche, aussi séduisante et romantique soit-elle, cette gauche va perdre. 
On ne croit pas à sa défaite car elle a l’air forte. Mais elle est simplement la seule à parler. Celui qui devrait lui répliquer a aujourd’hui autre chose à faire. Elle est seule à parler et, sans contradicteur, donne l’illusion d’avoir raison.
La gauche dure est agressive, conservatrice. C’est une gauche d’appareil et d’apparatchiks.
La gauche dure a l’air forte mais elle est faible.
Et elle va perdre.
C’est pourquoi ceux qui pensent que malgré un bilan défendable, le président sortant a trop fait preuve lui aussi de dureté, de rigidité idéologique (voir les premières décisions de son quinquennat), de démagogie dangereuse et a connu des échecs cuisants sur ce qui faisait quand même ses principaux thèmes de campagne (sécurité, pouvoir d’achat), ceux qui souhaitent le changement, qui le souhaitent réellement, c’est à dire qui veulent y œuvrer efficacement et non pas dans la douce illusion d’un monde idéal, ceux-là devraient faire le choix du seul qui incarne aujourd’hui cet espoir d’une gauche non pas dure mais concrète, non pas molle mais pragmatique, qui n’agresse pas mais écoute, qui ne propose pas une liste désordonnée de tout ce qui serait bien de faire mais se fixe un objectif simple, large et lisible relatif à la génération qui vient, qui ne calcule pas, ne complote pas, ne pactise pas mais avance sereinement, une gauche qui ne cherche pas à sa manière une nouvelle fracture mais au contraire un vrai rassemblement, bref une gauche moderne, une gauche qui gagne.
Ceux-là devraient à la primaire faire le choix de François Hollande.

06 octobre 2011

Pour François Hollande


Chaque élection présidentielle voit s’affronter au deuxième tour un candidat de droite et un candidat de gauche, excepté l’épisode étrange de 2002.
En 2012 le candidat de droite sera Nicola Sarkozy sauf cataclysme improbable du type affaire DSK.
En face de lui on peut raisonnablement parier que, comme à chaque fois, le candidat de gauche sera issu des rangs du Parti Socialiste.
Mais nous ne savons pas lequel et il nous est donné pour la première fois de le choisir. Pour la première fois, le candidat socialiste ne nous sera pas imposé par un parti, à l’issue soit d’une bataille d’appareil, soit d’un vote interne au parti, soit de ce que s’impose tout naturellement une personnalité incontestée.
Pour la première fois nous pouvons évaluer la popularité, l’intérêt, les chances de victoires de celui qui représentera une alternative à Nicolas Sarkozy.
Cela veut-il dire, en creux, qu’aucune personnalité évidente ne s’est imposée ? Oui, certainement, sinon l’idée même de la primaire n’aurait probablement pas émergé.
Faut-il le déplorer ? Faut-il même se sentir abattu, pour ceux qui souhaitent une alternance, de ce qu’en face du président sortant à la personnalité forte, aucun père (ou aucune mère) ne s’impose ?
Nous en avions un, de père. C’était DSK. Et il est mort en tant que tel.
Le destin a voulu finalement que nous soit épargnée une situation que nous avons connue auparavant : le choix par la fascination, une fascination quasi hypnotique, nous laissant aveugles aux défauts, aux casseroles, aux risques. Le destin a voulu que nous choisissions le candidat du second tour de la présidentielle parmi des personnalités qui ne sont ni charismatiques, ni fascinantes, auxquelles nous ne pouvons vouer vénération. Nous allons voter par raison.
Je ne dis pas sans enthousiasme. Mais certainement par raison.
Alors qui ? Puisqu’aucun ne s’impose ?
D’abord - logique de ce vote à la primaire - celui qui a le plus de chance de battre Sarkozy. Donc celui qui a le plus de chance de rassembler. 
Il s’agit évidemment de François Hollande.
Quand Nicolas Sarkozy va entrer en campagne, n’en doutons pas, ne doutons pas de son talent et de son intelligence politique, il va retourner tous les pronostics. Je pense qu’il ne ferait qu’une bouchée de Martine Aubry. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas voulu y aller, parce qu’elle représente une gauche vieille école, qu’il sera facile de taxer de réactionnaire, de conservatrice, parce qu’elle est entourée de radicaux qui entachent sa crédibilité, parce qu’elle est la candidate de l’appareil.
A l’inverse, François Hollande s’est émancipé de cet appareil, il est là depuis le début, il le veut, il est entouré de gens plus modernes, plus crédibles. Nulle doute que Manuel Valls viendra grossir ses rangs à l’issue du premier tour.
On dit de lui qu’il est mou...
Où ça ? Où est-il mou ? Il ne fait pas rêver ? Sarkozy fait rêver ? 
On dit qu’il est trop modéré... Tant mieux !
En revanche, qui pourrait dire qu’il n’a pas de volonté ? Ni de détermination ? 
Alors son projet...
Ce n’est pas contrairement aux autres qui égrènent les mesures, qui veulent s’occuper de tout, bref, qui ne hiérarchisent rien, et qui ont, par là-même, finalement, un discours de ministre, ce n’est pas une liste d’idées, de thèmes, de souhaits.
C’est une priorité : la jeunesse.
Pourquoi pas ?
J’entends son discours : La crise, oui, le déficit, oui, les comptes, oui, les retraites oui, tout ce que vous voulez, on va travailler, on va essayer de trouver des solutions, ça va être difficile, ce n’est pas gagné, on va en chier, mais...
... Jamais au détriment de l’éducation et des perspectives pour la génération qui vient.
Moi je trouve ça bien. Parce que je sais que tout n’est pas possible. 
Eh bien je trouve ça bien qu’on me dise qu’on met le paquet sur un thème et que ce thème ce soit la jeunesse. Même si je trouve que ce mot «jeunesse» n’est pas le bon. 
On met le paquet sur nos enfants. Oui c’est bien et pour le reste on voit, on essaie de faire au mieux. Oui c’est bien.
Le style finalement...
«Normal», vous avez dit «normal» ? Oui. Je sais, on s’en moque, on s’en décourage, on s’en déprime même.
Un président normal est un oxymore. Le président de la république ne peut être un homme normal. Ça ne peut être qu’un monstre d’ambition, ayant soumis son propre parti avant de soumettre l’électorat, se sentant apte à diriger, à endosser l’énorme responsabilité de la fonction, un animal politique coriace, sauvage, de ceux qui savent sentir le vent, aux intuitions guerrières fulgurantes.
Quel peut être alors le sens d’une présidence normale ?
Il s’agit justement de tempérer les menaces inhérentes à ce que peut être une personnalité présidentielle.
Une présidence normale, ce n’est pas un oxymore, c’est un équilibre.
Et l’idée de devoir choisir au second tour entre un ogre politique, de ceux qui nous déçoivent, qui nous trahissent, qui nous embarrassent, et un candidat choisi par raison, pesé, évalué, c’est à dire finalement un candidat «normal», cette idée est finalement séduisante. Nous n’aurons pas alors à choisir seulement entre deux personnalités, ou entre deux idéologies ou entre deux propositions. Nous auront également à choisir entre deux types de figure présidentielle, et donc entre deux types de relation qui unit un peuple et son dirigeant élu.
Alors j’ai dit que François Hollande était une personne intelligente, sympathique et saine.
Oui ça me va. 
Ce que je redouterais en fait, à partir d’aujourd’hui, c’est qu’il change trop. Qu’il devienne ce qu’il n’est pas : un monstre politique, un homme d’appareil un idéologue, quelqu’un qui a peur de perdre, qui navigue à vue, qui perd son cap.
Mais pour l’instant, de raison et avec un sentiment apaisé, j’aimerais bien que ce soit lui qui s'oppose au président sortant et ensuite qu'il devienne le prochain président de la République. Je vais donc voter pour lui à la primaire.