14 novembre 2023

Qu'aurait-il fallu qu'Israël fasse ? Emotion, justice et stratégie.

Qu’aurait-on souhaité qu’Israël fasse ?

Après le massacre perpétré par l’organisation terroriste et islamiste Hamas, au vu du traumatisme et de la sidération que cela a provoqué en Israël, qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

On lui concédait le droit de se défendre. Mais qu’est-ce que concrètement cela voulait-il dire ?

On dit aujourd’hui : certainement pas ce qui est train de se produire, à savoir une guerre engagée contre un ennemi cynique et meurtrier qui utilise sa propre population comme bouclier humain, une guerre donc qui fait des milliers de victimes collatérales.

Au point qu’on parle – à tort - de vengeance, c’est-à-dire qu’on accuse Israël de vouloir tuer des Palestiniens comme on a tué des Israéliens. 

Un enfant mort vaut un autre enfant mort entend-on dire.

Un enfant mort de mort violente en vaut un autre, oui. L’émotion que cela provoque est la même. Insoutenable et inacceptable (toute autre mort d’enfant aussi d’ailleurs).

Faut-il pour autant mettre sur le même plan les intentions des auteurs ?

La justice ne le fait pas, elle invoque parfois des circonstances atténuantes ou aggravantes. Elle parle d’intention de donner la mort, elle parle d’homicide involontaire, elle parle de cruauté, de barbarie. Bref, la justice nuance la gravité du crime en fonction de l’intention et des circonstances. Pour la justice aussi un enfant mort en vaut un autre. Mais elle ne parle pas de ça.

 

Donc reposons la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Et je complète : à part rien ?

Car rien n’était pas possible. Rien était meurtrier à moyen terme, rien voulait dire : accepter que ça recommence, se montrer si faible que c’en aurait été une invitation à un nouveau massacre. D’autant plus que les assassins du Hamas sont eux les vrais amis inconditionnels du massacre. Ils se revendiquent comme tel. Je limite là cette allusion à l’homme politique le plus infâme du moment.

Une réponse plus pertinente qu’on entend à travers les commentaires est : tout mais pas ça.

 

Tout, c’est-à-dire quoi ? A par rien ?

« Tout » englobe ici de nombreuses propositions farfelues et si éloignées du possible qu’il est inutile d’en rendre compte. Je veux parler déjà de ce qu’Israël aurait dû faire AVANT.

Oui la responsabilité du gouvernement de Netanyahu est immense et l’histoire est déjà en train de le juger, mais en attendant il est toujours aux commandes et continue à faire du mal aux Palestiniens et à Israël, comme le Hamas a fait du mal à Israël et aux Palestiniens.

Mais cela ne répond pas à la question.

Impossible d’entendre : Israël devrait faire la paix, devrait proposer une solution au problème palestinien car cela revient à dire : rien. Cela revient à dire : Israël ne doit rien faire en réponse à l’attaque du Hamas. Elle doit au contraire comprendre pourquoi cette attaque a eu lieu et œuvrer à ce qu’elle n’ait plus lieu en oubliant l’attaque elle-même et peut-être même en l’effaçant de son histoire. Elle doit accepter les raisons évoquées par l’agresseurs, accepter le prétexte à son fanatisme.

Surhumain, et je pense jamais vu dans l’Histoire.

Comme on aimerait qu’Israël soit un pays de dieux.

 

Je complète donc la réponse qu’on entend aujourd’hui :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Tout mais pas ça.

Je complète : à condition, au minimum, d’obtenir justice.

Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Quel les otages soient libérés sans condition, et que les responsables du massacre soient jugés.

Admettons que l’opération militaire actuelle affreusement meurtrière pour les civils est loin de pouvoir remplir ces objectifs.

Si on avait vraiment voulu qu’Israël fasse tout sauf ça, il aurait fallu à minima lui garantir le retour des otages et la justice.

Qui a proposé cette solution ?

Personne.

Qui demande la libération inconditionnelle des otages ? Qui demande la reddition du Hamas qui vient de perpétrer cette ignominie ?

A croire que l’opération actuelle satisfait finalement tout le monde. On se débarrasse du Hamas et on se débarrasse d’Israël, au moins de son gouvernement.

Et cela sur le dos des civils israéliens et des civils palestiniens.

 

J’admets que je ne réponds pas plus à la question de ce qu’Israël devrait faire.

Comment pourrais-je ? Mais qui, dans nos débats loin du terrain, bien à l’abris dans nos rues presque calmes, qui le pourrait ?

 

J’ai déjà entendu la réponse : à défaut d’une solution viable, ou à partir du moment où il n’y pas de solution, autant choisir la non-solution qui fait le moins de mort.

C’est une position logique que l’on peut entendre mais qui ne tient pas compte de ce que cela signifie en termes d’avenir pour Israël. Ne rien faire serait effectivement épargner la population palestinienne aujourd’hui mais assurer les souffrance demain de celle d’Israël.

Ne rien faire serait aussi mettre l’existence d’Israël en jeu puisque le programme du Hamas est sa destruction.

 

Israël aurait donc pu ne rien faire à condition d’obtenir justice et réparation.

Personne ne le lui a garanti. Personne n’a esquissé la moindre proposition pour le lui garantir.

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse sans cette garantie ?

 

On n’aime l’état d’Israël que lorsqu’il est attaqué, on n’aime les juifs que lorsqu’ils sont victimes. Que l’état d’Israël se défende et on ne l’aime plus du tout. 

On dira : ça n’est pas de la défense c’est un massacre.

C’est vrai. L’éradication du Hamas étant impossible sans ce nombre insupportable de victimes collatérales et malgré les quelques précautions prises par Tsahal, peut-être Israël aurait dû s’abstenir de faire quoi que ce soit.

A condition d’obtenir justice.

On pourrait aussi ajouter : à condition d’obtenir une assurance de sécurité.

Car ici on entre dans le domaine stratégique. Israël est un état comme un autre qui se soucie de sa sécurité avant tout avec la particularité de devoir se soucier également de son existence.

Une assurance de sécurité signifie l’éradication du Hamas qui a juré sa destruction.

Il aurait donc fallu qu’Israël ne fasse rien, à condition d’obtenir la libération des otages, justice et sécurité, c’est-à-dire l’éradication de l’organisation terroriste et islamiste Hamas.

Dans un plus long terme, on pourrait aussi ajouter : à condition de lui assurer une sécurité à long terme c’est-à-dire un règlement de la question d’un Etat palestinien viable.

Car évidemment, aucune sécurité n’est possible pour Israël sans un règlement de la question palestinienne par la création d’un état palestinien à côté de celui de l’état d’Israël.

Voudrait-on revenir à la proposition de partage de 1947, votée par l’ONU et acceptée par Israël ? Et immédiatement rejetée par les pays arabes qui ont déclaré la guerre à Israël le jour de la proclamation de sa création ?

 

Aujourd’hui donc je repose la question :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse dans la mesure ou rien ne lui a été garanti ni même proposé.

Macron a effectivement évoqué une coalition pour faire la guerre au Hamas. C’était s’approcher de la solution qui consiste à éviter qu’Israël s’en charge. Tout le monde lui est tombé dessus. Mais était-ce seulement une garantie d’épargner les civils ? Pas certain.

 

On a laissé Israël seul. On laisse les Palestiniens seuls.

On laisse le faible Netanyahu bander ses muscles alors qu’il vient de laisser assener le plus terrible des coups au pays qu’il devait protéger. On le laisse apporte une non-solution meurtrière à la place d’une non-solution mortifère pour Israël.

 

Ne jetez pas la pierre sur Israël. L’état d’Israël n’est pas plus surhumain que ne le sont les juifs.

La communauté internationale est co-responsable des bombes israéliennes aujourd’hui. Les Etats-Unis, les pays arabes, l’Iran, le Qatar, la Russie et la Chine. Les membres du bureau permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’ONU elle-même.

Ils ont la solution mais ils ne veulent pas la chercher. Les pays arabes s’en foutent des morts palestiniens, ils s’en sont toujours foutu. Rappelez-vous le septembre noir en Jordanie.

 

Cette tragédie qui s’opère sous nos yeux est la nôtre, tout simplement.

Il n’y a pas de réponse à la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

C’est ça la victoire du Hamas, déprimante et terrifiante.

Nous sommes tous aliénés à la situation qu’il a créé. Nous ne pouvons nous en sortir, nous n’avons aucun choix.

Alors oui peut-être, sans aucun choix, mieux vaudrait décider de ne pas frapper la population palestinienne.

La communauté internationale ne fait rien pour aider Israël à faire ce difficile choix qu’aucun pays dans l’histoire n’a fait me semble-t-il. Mais le pays des juifs n’est-il pas un pays à part ? C’est ce dont certains – et pas les moins antisémites - voudraient vraiment nous convaincre.

 

L’état d’Israël a commis l’erreur historique de ne pas régler le problème palestinien. Sans ce règlement le pays ne saurait être en paix sans se barricader derrière une puissance militaire et technologique dont la preuve est faite aujourd’hui qu’elle a ses limites.

Les Palestiniens ont commis l’erreur historique de passer au terrorisme au moment de la deuxième Intif         ada. C’est pourquoi le salut du peuple palestinien ne peut passer que par la fin des organisations terroristes et plus particulièrement celle islamiste du Hamas. La révolution des pierres de la première Intifada était un piège définitif pour la politique israélienne. La faire durer était je crois s’assurer une victoire à moyen terme. Passer aux attentats suicides a clos le débat et tué tout espoir.

Les accords d’Oslo sont morts sur l’autel de l’extrémisme des deux côté. Un extrémisme qui nous aliène tous et nous empêche même de penser.

 

Que faudrait-il qu’Israël fasse ?

Nous devons faire la part des choses entre l’émotion, la justice et la stratégie.

L’émotion est légitime aujourd’hui mais ne peut pas peser devant le manque de justice et les sombres réalités géopolitiques.

Nous savons ce qui aurait dû être fait pour éviter cette tragédie mais nous n’avons rien fait pour que cela arrive, nous savons ce que nous devrions faire pour que cela n’arrive pas. En aurons-nous la volonté ou passerons-nous encore d’un conflit à l’autre, d’une émotion à l’autre, quand par exemple la Chine attaquera Taiwan et que nous serons au bord de la guerre mondiale ? 

Nous ne savons pas quoi faire maintenant et nous laissons Israël seul. 

Ce qui arrive est évidemment notre symptôme et notre faute. 

L’émotion est légitime, des deux côtés, et le sentiment de révolte aussi.

Ces sentiments n’apportent aucune solution. Comme le dit Pierre Haski ce sont les puissances régionales comme les grandes puissances mondiales qui ont la clef de la fin de cette crise. Pas Israël.

En laissant Israël seul, nous laissons seuls les Palestiniens.