12 juillet 2024

Succession

 

Je prendrais bien une option sur l’adaptation de cette histoire en train de se faire. Digne de la série Succession.

Même si on n’en connait pas le dénouement. 

Il risque d’arriver, en mode lugubre, en 2027.

Nous assistons à un crash test. Celui de la 5e république.

SI elle tient, elle est incassable.

Tenir voudrait dire quoi ?

Arriver finalement à stabiliser la situation, faire marcher le parlement malgré tout et préparer l’alternance républicaine avec sérénité.

Avancer quand même…

 

Le monde occidental souhaite verser dans les extrêmes. C’est la tentation historique venue d’une frustration et d’une angoisse historiques aussi et généralisées.

C’est partout.

En France il semble que ça ne soit pas si simple (et tant mieux).

Il y a eu cette tentation d’essayer l’extrême-droite. Par trois fois en 2017 et 2022 et aujourd’hui.

Avec une sous-tentation d’essayer aussi l’extrême gauche mais par un bien plus petit nombre de gens.

Oui l’extrême-gauche de LFI, aussi dangereuse, même si différente, que l’extrême-droite, malgré son discours inclusif.

 

Nous assistons à des soubresauts de résistance. Le populisme ne veut pas céder, ne veut pas mourir. Il s’agite.

Aujourd’hui il s’agite à l’extrême gauche.

C’est fascinant de le voir être prêt à tuer père et mère pour ne pas disparaitre.

Le tout sauf LFI le fait se battre comme un fauve blessé. Attention à ses griffes et à ses dents.

 

C’est beau de voir la gauche se demander comment elle va se sortir de cette union qui n’avait qu’un seul but : faire barrage au RN.

Ils ne savaient pas qu’ils pouvaient gagner. Ils ne savaient pas qu’ensuite il fallait s’entendre. Ils ont signé un programme absurde. La gauche dite de gouvernement n’y a pas cru une seconde mais il n’était pas fait pour être appliqué. Du moins dans l’esprit de la gauche non populiste. Pour les autres, tout est applicable. Les immigrés partent, les riches paient, on sort de l’Europe, on ferme les frontières, on fait la paix avec Poutine.

On applique. Malgré le Réel.

 

Ils disent : il faut élire un Premier ministre qui ne se ferait pas censurer dans la seconde… (les socialistes par exemple). C'est la raison pour laquelle ça prend tant de temps. C'est impossible avec LFI. Et c'est avec eux qu'ils parlent...


Ah oui ! j’oubliais :

La gauche a gagné avec 190 élus.

Si on ne l’avait pas aidée, c’est le RN qui gagnait.

Mais comme Chirac en 2002 (peut-être le début de la fin en politique), elle veut croire que c’est son programme qui a été plébiscité.

Elle a contre elle tout le reste du parlement.

Alors certains disent – tenant compte du Réel, eux – il faut ouvrir.

Mais le populisme blessé ne l’acceptera pas. Non il faut antagoniser. Il en restera toujours quelque chose.

Ils vont finir par proposer quelqu’un. Faure peut-être. Celui par lequel la gauche s’est suicidée ne lui en déplaise.

Il formera un gouvernement au bout de plusieurs semaines. Puis il tombera.

On repartira avec un gouvernement moins clivant mais toujours tenu par LFI.

Qui tombera.

Troisième tentative, un ensemble encore moins clivant. Peut-être même une ébauche de coalition.

Sans LFI bien sûr, au bout de deux censures, ils se retireront dans leur pré carré révolutionnaire, comprenant encore une fois que leur victoire ne peut être institutionnelle.

Après le non au RN, nous assistons à la lutte terrible que LFI mène contre le non qui va les barrer aussi.

 

Troisième tentative donc. On sera peut-être en mai 2025…

Nouvelle dissolution qui verra la mort du Front Républicain.

La France aura tout fait pour retarder l’arrivée du populisme, pour ne pas s’aligner sur les US, l’Angleterre, le Brésil, la Hongrie.

A l’impossible finalement nul n’est tenu.

Macron a voulu clarifier de ce côté-là, au prix d’une confusion extrême et d’un test ultime de la cinquième république.

Aux temps nouveaux, une constitution nouvelle ? C’est la question ouverte aujourd’hui.

 

Il n’empêche. Qu’y aura-t-il derrière cette (déjà) ultime barrière au populisme qu’a été Macron 1 et 2 (cerné par les deux extrêmes).

Le populisme probablement. Celui de droite certainement. Car ils ne se présentent pas comme des révolutionnaires. Ils ont Meloni comme référence éventuelle, pas Chavez.

 

On peut y échapper, c’est un chas d’aiguille.

Au bout de deux censures, d’une crise économique résultant de cette perte de temps inutile, une coalition enfin.

Une coalition qui réussisse. Car l’alternative serait l’extrême-droite.

Pas gagné.

 

La France se bat comme un diable pour échapper au destin de l’Occident. Elle gagne et de nouveau, elle rentre dans l’Histoire pour éclairer le chemin. Elle réinvente les lumières.

Elle perd et elle rentre dans le rang. Celui, sombre, qui marque le nouvel axe des autocraties.

 

C’est dire la tâche des gens de bonne volonté et la pression qui pèse sur eux. Ça demande de la force et un courage immense. Les enragés les tiennent, la mâchoire plantée dans leurs mollets. Il leur faut s’arracher un peu de chair pour se dégager.

 

                                                                                             

 


18 juin 2024

L' étau

Nous faisons face au Réel.

Une force qui, comme les forces de la nature, ou celles du corps, ici celle du corps social, échappe à notre maîtrise, à notre contrôle, à notre désir et à nos craintes.

Ce Réel qui nous tombe dessus et nous gifle par surprise.

On peut l’avoir ancipité, comme on anticipe les séismes ou les virus mais le moment où il frappe, sa force et son sens nous surprend toujours. C’est sa définition. La sidération est sa signature


Le réel ici est un peuple qui semble vouloir que l’extrême-droite prenne le pouvoir. Peut-être sans savoir exactement quelles en peuvent être les conséquences ou sans vouloir le savoir. Peut-être le sait-il et justement le souhaite-t-il.

Peut-être souhaite-t-il l’abîme. Peut-être souhaite-t-il s’abîmer.

Peut-être – et c’est l’hypothèse de certains – le désespoir le pousse-t-il à la faute, à sauter dans l’inconnu en forme de précipice, à essayer ce qui ne l’a pas encore été.


Ils savent ou non. Qu’importe. 

Cette force les dépasse aussi.

Comme les Anglais qui ont choisi le Brexit, séduits par des discours trompeurs et qui probablement le regrettent maintenant, nous allons donner le pouvoir à l’extrême-droite qui chante la fin de l’immigration, de l’Europe et de la résistance à Poutine.

C’est ce que veulent les gens. Ils ne sont plus sensibles aux arguments de raison, ils n’y croient plus. Avec les élites ils ont rejeté la vérité.


C’est une force qui vient de loin et qui dépasse la France.

Le populisme d’extrême-droite (aidé, épaulé par le populisme d’extrême-gauche) domine partout dans le monde occidental.

Trump, Johnson, Meloni, Le Pen, en Hollande, en Hongrie, au Brésil, en Argentine.

C’est une tendance lourde qui en France a été ralentie par les deux élections de Macron.

Comme le choix de se donner un sursis, nous avons eu une offre de dégagisme venue du centre. Nous l’avons choisie et c’est comme ça que nous avons repoussé l’échéance.

Mais la force continuait de pousser et rien ne peut l’arrêter. Surtout pas un homme seul. Surtout pas cet homme trop jeune, trop sûr de lui, trop cérébral. 


Deux facteurs sont à l’œuvre. 

L’angoisse d’une société transformée trop rapidement par une ou plusieurs révolutions technologiques qui changent la donne sans même qu’on ait eu le temps de métaboliser les précédentes.

Des révolutions technologiques qui recouvrent le monde et le transforment. A l’instar de la révolution industrielle.

A cette dernière révolution a répondu une conflagration générale nourrie d’angoisse, de rage et prise en main par des salauds populistes. On a précipité les corps dans des combats titanesques, dans des holocaustes terrifiants, des persécutions sans pareil.

La shoah a été un génocide industrialisé. Le goulag et le génocide Khmer rouge comme celui perpétré par Mao sur son propre peuple ont été les résultats d’une idéologie inhumaine au nom du Bien.

Les grandes idéologies du XXe siècle, le siècle des grandes monstruosités ont suivi la mécanisation du monde.


L’angoisse profonde des peuples déracinés de leur propre sol par une globalisation galopante qui leur retire leur savoir, leur maîtrise, leurs attaches provient, elle, de la virtualisation du monde.

Deux forces ont agi en sens contraire : le besoin de partir et le besoin de rester. Le besoin de s’évader, de connaitre l’autre, de savoir, d’apprendre et en face, le besoin d’attache et d’identité, d’avoir une terre sous ses pieds.

La virtualisation du monde nous a précipité dans un pays sans attache si ce n’est celle de la planète.

Et cela s’est opéré à la vitesse d’un quart de génération, sans espoir de retour, sans possibilité de compensation. C’est une révolution qui mange ses enfants comme toutes les révolutions. On l’embrasse ou on meurt.


Cette angoisse, comme toujours, a rencontré les salauds, les a créés peut-être, les a sortis du bois.

Ceux qui veulent le pouvoir, ceux qui sont prêts à réveiller toutes les chimères. Ceux qui abusent de la faiblesse des peuples sidérés. Ceux qui croient à leurs propres fantasmes.

Ils ont mieux appris que d’autres le langage qui parle à l’angoisse : celle des réseaux sociaux.

Ils sont l’incarnation même de ces réseaux sociaux.

Des réseaux sociaux qui eux viennent de l’autre force : celle qui nous fait partir, parler à l’autre, chercher le lointain.

Mais cette virtualisation du lien a également échappé au corps, l’a désincarné pour n’incarner que les émotions. C’est la planète des affects.

Les pays se sont effondrés et les frontières se sont redessinées autour des émotions, des désirs et des craintes, de la furie aussi.

Le discours né des réseau sociaux est celui de l’immédiateté. Il ‘est à l’opposé de la raison, de la rigueur et de la vérité.

Les populistes sont ceux qui ont incarné ce discours, qui ont parlé RS, réseau social, cette langue sans logique et sans surmoi. 


L’angoisse a rencontré la saloperie, comme à l’aube du XXe siècle. A l’angoisse de la mécanisation industrielle répond aujourd’hui l’angoisse de la virtualisation.

Et nous avons aujourd’hui la guerre en Europe. L’Europe qui est l’incarnation du raisonnable, du raisonnement, du rationnel. Cette Europe dont Poutine et tous les populistes ne veulent pas parce qu’elle résiste à leur volonté de pouvoir.

L’Europe, l’ennemi des autocraties. L’Europe qu’il faut abattre.

Et nous avons l’extrême-droite qui conchie cette Europe mais surtout veut revenir en arrière, forcer un retour vers les frontières sans comprendre qu’on ne revient jamais en arrière sans une violence extrême. Car revenir en arrière signifie démolir le monde.

Et nous avons l’extrême-gauche qui veut également revenir en arrière, qui veut déconstruire ou rééduquer l’homme, l’homme blanc, le riche, le colonisateur, le juif. Qui veut forcer l’égalité au nom de la justice, forcer la solidarité au nom de la bienveillance et qui n’hésite pas, contre toute cohérence, à soutenir les pires idéologies de notre nouveau siècle, quitte à revenir aux pires désignations du siècle dernier.

Elle vend de nouveau ce monde meilleur où l’homme serait émancipé.

Elle vend de nouveau ce rêve qui a conduit au cauchemar.

Elle y croit tellement qu’elle ne supporte pas le « dire non » du Réel à ses fantasmagories. C’est là où elle est et sera effroyablement dangereuse.

Pour forcer le Réel il faut massacrer les peuples. C’est ce qu’a fait Mao avec la Révolution Culturelle et le Grand Bond en avant.

On ne force par le retour en arrière sans violence. Il faut juste choisir ses victimes. Elles se comptent toujours par milliers.

Les jeunes d’aujourd’hui, aussi romantiques que ceux d’hier, qui croient à ces mensonges ne seront pas épargnés et quand ils subiront eux-mêmes les politiques qui devaient défaire seulement les autres il sera trop tard.


Une angoisse rencontre la saloperie et nous avons ce chaos qui nous attend.

Macron n’y est pour rien. 

C’est vrai qu’après avoir repoussé par deux fois l’échéance  il l’a aujourd’hui précipitée. Il a craqué et nous craque avec lui. Il gâche notre sursis. Il avait promis d’y résister, il n’a pas réussi, c’est son échec et c’est pour cela qu’aujourd’hui il nous met au pied du mur du Réel. 

Il aurait pu nous laisser souffler un moment, un été, après les gilets jaunes, le covid, la réforme des retraites, la guerre en Ukraine, la montée de l’antisémitisme.

Il a pourtant simplement rendu la parole au peuple et on lui en veut. Comme on lui en aurait voulu de ne pas l’avoir fait.


Mais le moment est plus grand que lui, il n’est qu’un pauvre rouage.

Nous aussi. Tout le monde. Nous voulons résister contre l’Histoire, nous y sommes parvenus mais nous n’avons pas répondu à l’angoisse.

Qui en aurait les moyens ?

Dans quel pays cela arrive-t-il ?

L’angoisse ne se tait que quand on lui interdit violemment de s’exprimer, comme en Russie, en Chine, en Iran… et peut-être aux USA ?


Aujourd’hui nous sommes pris en étau entre deux impossibles, deux négations du Réel.

Car si le Réel c’est cette volonté générale de sauter dans le vide, c’est aussi le réel des faits, c’est aussi la vérité du monde.

Les négateurs du Réel s’appellent les extrémistes, ceux qui, disent-ils, veulent transformer le réel.

Mais on ne transforme pas le réel. On transforme le monde.

Et on ne transforme pas le monde sans tenir compte du réel. Sauf à être un monstre.


Les extrémistes ne veulent pas démordre de leur monde impossible. Ils sont prêts à l’imposer par la violence, violence sociale, violence économique, violence morale, violence culturelle, violence sociétale.


A gauche, la saloperie est peut-être encore minoritaire. Mais elle a une grande gueule. Elle parle aux tripes. Dans un monde où les tripes sont ce qui restent quand la raison n’est pas enseignée par les Réseaux Sociaux.

Ceux qui parlent la raison sont sans voix.


Nous sommes pris en étau entre les partis de la déraison et le Parti de la raison. Ce dernier peut être une coalition. La raison et la prise en compte du Réel peut être ce qui cimentera demain à l’assemblée la Droite de LR, le centre de Renaissance et la gauche socialiste et écologiste.

Sinon, les menteurs seront à leur porte et devront agir. Leur déni du Réel les mettra au pied du mur de leur impuissance et leur imposture sera démasquée après la ruine de ceux qui les auront crus.

Les idéologues seront au pied du mur de leurs mensonges et de leur cynisme. Ils passeront avec la violence qu’on connait ou casseront comme en 1983.

Nous avons voté à gauche en 1981. Les promesses étaient mirobolantes. Elles se sont cassées sur le mur du réel. Et le tournant dit de la rigueur a été opéré deux ans plus tard.

A cette époque l’économie française n’avait pas subi les crises qu’on a subies. Elle était bien plus saine qu’aujourd’hui. C’est dire ce qui nous attend. Il n’y avait pas la guerre en Europe, il n’y avait pas les nouvelles forces de l’axe de autocrates.

Le Brexit aussi s’est brisé sur le mur du réel.

Impuissance ou violence, imposture ou dictature voilà ce que nous proposent les négateurs du Réels, les populistes.


Mais le Réel est aussi cette probable volonté des Français d’y aller, quoi qu’il en coûte.

Probable et pas encore certaine.

Votons pour ceux qui tiennent compte du Réel. Qui tiennent compte de l’angoisse et ne sombrent pas dans les mensonges pour y répondre. Peut-être seront-ils assez nombreux pour nous acheter encore du sursis, du temps pour imaginer une réponse crédible à ce désespoir tellurique.

14 novembre 2023

Qu'aurait-il fallu qu'Israël fasse ? Emotion, justice et stratégie.

Qu’aurait-on souhaité qu’Israël fasse ?

Après le massacre perpétré par l’organisation terroriste et islamiste Hamas, au vu du traumatisme et de la sidération que cela a provoqué en Israël, qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

On lui concédait le droit de se défendre. Mais qu’est-ce que concrètement cela voulait-il dire ?

On dit aujourd’hui : certainement pas ce qui est train de se produire, à savoir une guerre engagée contre un ennemi cynique et meurtrier qui utilise sa propre population comme bouclier humain, une guerre donc qui fait des milliers de victimes collatérales.

Au point qu’on parle – à tort - de vengeance, c’est-à-dire qu’on accuse Israël de vouloir tuer des Palestiniens comme on a tué des Israéliens. 

Un enfant mort vaut un autre enfant mort entend-on dire.

Un enfant mort de mort violente en vaut un autre, oui. L’émotion que cela provoque est la même. Insoutenable et inacceptable (toute autre mort d’enfant aussi d’ailleurs).

Faut-il pour autant mettre sur le même plan les intentions des auteurs ?

La justice ne le fait pas, elle invoque parfois des circonstances atténuantes ou aggravantes. Elle parle d’intention de donner la mort, elle parle d’homicide involontaire, elle parle de cruauté, de barbarie. Bref, la justice nuance la gravité du crime en fonction de l’intention et des circonstances. Pour la justice aussi un enfant mort en vaut un autre. Mais elle ne parle pas de ça.

 

Donc reposons la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Et je complète : à part rien ?

Car rien n’était pas possible. Rien était meurtrier à moyen terme, rien voulait dire : accepter que ça recommence, se montrer si faible que c’en aurait été une invitation à un nouveau massacre. D’autant plus que les assassins du Hamas sont eux les vrais amis inconditionnels du massacre. Ils se revendiquent comme tel. Je limite là cette allusion à l’homme politique le plus infâme du moment.

Une réponse plus pertinente qu’on entend à travers les commentaires est : tout mais pas ça.

 

Tout, c’est-à-dire quoi ? A par rien ?

« Tout » englobe ici de nombreuses propositions farfelues et si éloignées du possible qu’il est inutile d’en rendre compte. Je veux parler déjà de ce qu’Israël aurait dû faire AVANT.

Oui la responsabilité du gouvernement de Netanyahu est immense et l’histoire est déjà en train de le juger, mais en attendant il est toujours aux commandes et continue à faire du mal aux Palestiniens et à Israël, comme le Hamas a fait du mal à Israël et aux Palestiniens.

Mais cela ne répond pas à la question.

Impossible d’entendre : Israël devrait faire la paix, devrait proposer une solution au problème palestinien car cela revient à dire : rien. Cela revient à dire : Israël ne doit rien faire en réponse à l’attaque du Hamas. Elle doit au contraire comprendre pourquoi cette attaque a eu lieu et œuvrer à ce qu’elle n’ait plus lieu en oubliant l’attaque elle-même et peut-être même en l’effaçant de son histoire. Elle doit accepter les raisons évoquées par l’agresseurs, accepter le prétexte à son fanatisme.

Surhumain, et je pense jamais vu dans l’Histoire.

Comme on aimerait qu’Israël soit un pays de dieux.

 

Je complète donc la réponse qu’on entend aujourd’hui :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

Tout mais pas ça.

Je complète : à condition, au minimum, d’obtenir justice.

Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Quel les otages soient libérés sans condition, et que les responsables du massacre soient jugés.

Admettons que l’opération militaire actuelle affreusement meurtrière pour les civils est loin de pouvoir remplir ces objectifs.

Si on avait vraiment voulu qu’Israël fasse tout sauf ça, il aurait fallu à minima lui garantir le retour des otages et la justice.

Qui a proposé cette solution ?

Personne.

Qui demande la libération inconditionnelle des otages ? Qui demande la reddition du Hamas qui vient de perpétrer cette ignominie ?

A croire que l’opération actuelle satisfait finalement tout le monde. On se débarrasse du Hamas et on se débarrasse d’Israël, au moins de son gouvernement.

Et cela sur le dos des civils israéliens et des civils palestiniens.

 

J’admets que je ne réponds pas plus à la question de ce qu’Israël devrait faire.

Comment pourrais-je ? Mais qui, dans nos débats loin du terrain, bien à l’abris dans nos rues presque calmes, qui le pourrait ?

 

J’ai déjà entendu la réponse : à défaut d’une solution viable, ou à partir du moment où il n’y pas de solution, autant choisir la non-solution qui fait le moins de mort.

C’est une position logique que l’on peut entendre mais qui ne tient pas compte de ce que cela signifie en termes d’avenir pour Israël. Ne rien faire serait effectivement épargner la population palestinienne aujourd’hui mais assurer les souffrance demain de celle d’Israël.

Ne rien faire serait aussi mettre l’existence d’Israël en jeu puisque le programme du Hamas est sa destruction.

 

Israël aurait donc pu ne rien faire à condition d’obtenir justice et réparation.

Personne ne le lui a garanti. Personne n’a esquissé la moindre proposition pour le lui garantir.

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse sans cette garantie ?

 

On n’aime l’état d’Israël que lorsqu’il est attaqué, on n’aime les juifs que lorsqu’ils sont victimes. Que l’état d’Israël se défende et on ne l’aime plus du tout. 

On dira : ça n’est pas de la défense c’est un massacre.

C’est vrai. L’éradication du Hamas étant impossible sans ce nombre insupportable de victimes collatérales et malgré les quelques précautions prises par Tsahal, peut-être Israël aurait dû s’abstenir de faire quoi que ce soit.

A condition d’obtenir justice.

On pourrait aussi ajouter : à condition d’obtenir une assurance de sécurité.

Car ici on entre dans le domaine stratégique. Israël est un état comme un autre qui se soucie de sa sécurité avant tout avec la particularité de devoir se soucier également de son existence.

Une assurance de sécurité signifie l’éradication du Hamas qui a juré sa destruction.

Il aurait donc fallu qu’Israël ne fasse rien, à condition d’obtenir la libération des otages, justice et sécurité, c’est-à-dire l’éradication de l’organisation terroriste et islamiste Hamas.

Dans un plus long terme, on pourrait aussi ajouter : à condition de lui assurer une sécurité à long terme c’est-à-dire un règlement de la question d’un Etat palestinien viable.

Car évidemment, aucune sécurité n’est possible pour Israël sans un règlement de la question palestinienne par la création d’un état palestinien à côté de celui de l’état d’Israël.

Voudrait-on revenir à la proposition de partage de 1947, votée par l’ONU et acceptée par Israël ? Et immédiatement rejetée par les pays arabes qui ont déclaré la guerre à Israël le jour de la proclamation de sa création ?

 

Aujourd’hui donc je repose la question :

Qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse dans la mesure ou rien ne lui a été garanti ni même proposé.

Macron a effectivement évoqué une coalition pour faire la guerre au Hamas. C’était s’approcher de la solution qui consiste à éviter qu’Israël s’en charge. Tout le monde lui est tombé dessus. Mais était-ce seulement une garantie d’épargner les civils ? Pas certain.

 

On a laissé Israël seul. On laisse les Palestiniens seuls.

On laisse le faible Netanyahu bander ses muscles alors qu’il vient de laisser assener le plus terrible des coups au pays qu’il devait protéger. On le laisse apporte une non-solution meurtrière à la place d’une non-solution mortifère pour Israël.

 

Ne jetez pas la pierre sur Israël. L’état d’Israël n’est pas plus surhumain que ne le sont les juifs.

La communauté internationale est co-responsable des bombes israéliennes aujourd’hui. Les Etats-Unis, les pays arabes, l’Iran, le Qatar, la Russie et la Chine. Les membres du bureau permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’ONU elle-même.

Ils ont la solution mais ils ne veulent pas la chercher. Les pays arabes s’en foutent des morts palestiniens, ils s’en sont toujours foutu. Rappelez-vous le septembre noir en Jordanie.

 

Cette tragédie qui s’opère sous nos yeux est la nôtre, tout simplement.

Il n’y a pas de réponse à la question : qu’aurait-on voulu qu’Israël fasse ?

C’est ça la victoire du Hamas, déprimante et terrifiante.

Nous sommes tous aliénés à la situation qu’il a créé. Nous ne pouvons nous en sortir, nous n’avons aucun choix.

Alors oui peut-être, sans aucun choix, mieux vaudrait décider de ne pas frapper la population palestinienne.

La communauté internationale ne fait rien pour aider Israël à faire ce difficile choix qu’aucun pays dans l’histoire n’a fait me semble-t-il. Mais le pays des juifs n’est-il pas un pays à part ? C’est ce dont certains – et pas les moins antisémites - voudraient vraiment nous convaincre.

 

L’état d’Israël a commis l’erreur historique de ne pas régler le problème palestinien. Sans ce règlement le pays ne saurait être en paix sans se barricader derrière une puissance militaire et technologique dont la preuve est faite aujourd’hui qu’elle a ses limites.

Les Palestiniens ont commis l’erreur historique de passer au terrorisme au moment de la deuxième Intif         ada. C’est pourquoi le salut du peuple palestinien ne peut passer que par la fin des organisations terroristes et plus particulièrement celle islamiste du Hamas. La révolution des pierres de la première Intifada était un piège définitif pour la politique israélienne. La faire durer était je crois s’assurer une victoire à moyen terme. Passer aux attentats suicides a clos le débat et tué tout espoir.

Les accords d’Oslo sont morts sur l’autel de l’extrémisme des deux côté. Un extrémisme qui nous aliène tous et nous empêche même de penser.

 

Que faudrait-il qu’Israël fasse ?

Nous devons faire la part des choses entre l’émotion, la justice et la stratégie.

L’émotion est légitime aujourd’hui mais ne peut pas peser devant le manque de justice et les sombres réalités géopolitiques.

Nous savons ce qui aurait dû être fait pour éviter cette tragédie mais nous n’avons rien fait pour que cela arrive, nous savons ce que nous devrions faire pour que cela n’arrive pas. En aurons-nous la volonté ou passerons-nous encore d’un conflit à l’autre, d’une émotion à l’autre, quand par exemple la Chine attaquera Taiwan et que nous serons au bord de la guerre mondiale ? 

Nous ne savons pas quoi faire maintenant et nous laissons Israël seul. 

Ce qui arrive est évidemment notre symptôme et notre faute. 

L’émotion est légitime, des deux côtés, et le sentiment de révolte aussi.

Ces sentiments n’apportent aucune solution. Comme le dit Pierre Haski ce sont les puissances régionales comme les grandes puissances mondiales qui ont la clef de la fin de cette crise. Pas Israël.

En laissant Israël seul, nous laissons seuls les Palestiniens.