Semaine fiévreuse.
Elle a commencé dans une relative sérénité par une journée
de Post-synchro avec CdF. Elle s’est terminée dans une fièvre créative insensée
liée aux délais qui nous séparent de la sortie très proche (27 février).
Je craignais depuis le début que ces délais serrés nuisent
au recul nécessaire au travail de post-production. Monter un film exige des
temps de pause, de repos de l’esprit. Autant le tournage participe de la
performance, autant le montage demande de la réflexion, de la sérénité, de
l’air. On a besoin d’air. On a besoin de regarder le film avec des yeux neufs,
après certains épisodes de construction. On a besoin d’air pour évaluer les
modifications. On a besoin d’air pour digérer le sentiment des autres. Il faut
se poser.
Pas trop non plus car le montage est aussi affaire de
décision. Et la décision est toujours affaire de sacrifice. Qui ne veut
sacrifier aucune potentialité ne saura mettre un terme au montage. On peut
s’arrêter un an et revoir son film. On le changera alors du tout au tout. Et
cela indéfiniment.
Le film est finalement une photographie de ce qu’on peut
faire à l’instant donné. C’est le symptôme du moment.
Mais enfin il s’agit aussi de décider sous quelle forme on
va l’offrir et c’est quand même bien de pouvoir un peu penser son film.
Donc on commence à mixer la musique : quatre jours, là
aussi, pour mettre un terme quasi final à ce que sera la musique du film. Là
aussi prendre des décisions lourdes de conséquence. Je me retrouve donc à
Montreuil dans un minuscule studio avec Jonathan Morali et son ingénieur du
son. Et là, on mixe, on modifie des sons, des temps, à l’image. J’apporte le
point de vue de la mise en scène. Jonathan apporte le point de vue du
compositeur et du musicien. Le temps imparti nous oblige à réfléchir vite, à
décider vite. La couleur du film, son intensité émotionnelle est en jeu.
Pendant ce temps on cherche encore des « synchros »
(ces musiques qui ne sont pas originales et dont on a besoin dans le film –
musiques qu’on entend dans les différentes boîtes ou bar dans le film, musique
d’ambiance mais pas seulement, elles ont souvent une fonction de musique de
film). Le budget nous contraint à jongler avec les trouvailles, les désirs, les
réalités. Ce n’est pas évident non plus.
Et voilà que, je ne sais pas pourquoi ni vraiment comment,
nous avons soudainement au montage l’idée, le souhait d’essayer une sorte de
révolution : changer le début du film.
Trop tard ! Le montage son a commencé, si on modifie
quelque chose tout le monde va devoir suivre et personne n’a le temps ni le
luxe de ça.
Mais quoi ? On va le faire quand même. On veut essayer.
Un peu de temps a passé depuis la fin du montage image. Le travail sur la
musique nous en a éloigné. Le recul nous a permis d’adapter notre point de vue.
Il faut essayer.
Une projection est prévue ce dernier vendredi. Nous avons
deux jours pour donner ses chances à cette révolution. Après ça sera fini.
Pendant que je suis à la musique, Pascale Fenouillet, au montage, cherche les
solutions pour concrétiser au mieux la nouvelle idée. Elle m’envoie les
différentes versions par Internet, je réagis au téléphone, on
travaille en parallèle, de la salle de montage au studio de mixage. Une
ambiance de fou, de créativité fébrile. Je passe mes heures à écouter un morceau
de musique en train d’être élaboré pendant que je réagis à une proposition de
montage, pendant que j’écoute une nouvelle proposition de chanson pour telle
séquence, pendant qu’à nouveau nous essayons un nouvel son sur tel morceau,
pendant que je reçois une nouvelle version de la séquence, pendant que j’écoute
encore six propositions de musique pour la séquence de boîte… bref.
On arrive finalement à la projection du vendredi. Je vais
enfin voir le film dans sa continuité avec toutes les musiques originales
mixées, les dernières modifications de montage, et la petite révolution que
nous avons opéré dans la fièvre.
Projection émouvante. La musique vient soulever le film à
des hauteurs encore jamais vues jusque là dans le processus de fabrication. Le
nouveau début modifie l’entrée dans le film, modifie donc le sens des premières
minutes et c’est une surprise
enthousiasmante.
Le film n’est plus seulement là mais il commence à
s’imposer, massif.
Et je commence à y croire.
Jusqu’à la prochaine crise, bien sûr.
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