15 décembre 2012

Möbius Journal de Post Prod 13



La semaine qui vient va-t-elle être enfin celle de la sérénité ? On va s’en approcher en tous les cas.
Je n’ai toujours pas vu en continuité la dernière version du montage. Celle où a été intégrée la toute dernière séquence composée des images d’archives, celle où nous avons fait les deux ultimes coupes (L’une cosmétique et l’autre très importante) et un ajout de plan (de moins d’une seconde mais signifiant). Mais là-dessus je n’ai pas d’inquiétude.

Il me reste une petite interrogation sur le calage et le fonctionnement de la musique finale. Je vais me faire projeter le film mardi soir pour en avoir le cœur net et décider définitivement. Ça concerne la fin de la dernière scène. Il est impossible de juger réellement sans avoir vu tout le film, savoir ce qui nourrit la fin et comment cela doit être amplifié. Mais enfin, le temps des angoisses semble terminé.

Nous travaillons maintenant en auditorium de mixage et en salle d’étalonnage. Là où se peaufinent le son et l’image. L’enjeu est ici de livrer un son impeccable, sensuel, signifiant et une image glamour, agréable, chaude. Nous donnons au film sa peau sonore et visuelle après en avoir travaillé l’ossature jusqu’au dernier centimètre. Est venu le temps de lui apporter sa brillance.

Cette brillance ne changera rien au fonctionnement de l’intrigue, ni au style de la mise en scène, ni à la signification de l’histoire. Cela peut amplifier, nuancer l’émotion. Il s’agit aussi de ne pas faire d’erreur, de ne pas faire de faute de goût. Maintenant encore on peut descendre d’une marche. On ne peut plus dégringoler. Le film est fait, il est à l’étage où il doit être.

Je peux encore travailler ce qui fait son cœur : la sensualité et l’émotion. Là, les qualités de l’image et du son peuvent encore jouer leur rôle. Si l’émotion est structurée, on peut encore décider de sa chair. Nous allons travailler jusque début janvier, enfermés dans des salles très techniques, sans voir le jour, loin, très loin du tournage.

Il est encore trop tôt pour se retourner sur le film et  faire un bilan de ce qui est réussi ou raté. Trop tôt aussi pour recevoir sa signification et la comparer aux intentions. Trop tôt enfin pour analyser ce qu’il dit malgré moi.

J’ai appris. Techniquement et esthétiquement. J’ai encore appris. Ouf ! A cinquante deux ans, j’espérais bien encore apprendre. C’est un âge qui me paraît parfait (comme tous les âges on dira). Une vraie expérience que l’on peut mettre au service d’un désir d’invention. C’est un âge mûr pour faire un film. Oui, la jeunesse à l’œuvre dans Un Monde Sans Pitié est bien loin. Oui la témérité des Patriotes est derrière moi. Mais je me suis mis en risque sur ce film. Il en aurait été autrement que le projet n’en aurait pas valu la peine.

On me demande souvent si je suis content. Je déteste cette question. Je ne suis jamais content. C’est une question trop simple. Je ne sais quoi en faire. Question de caractère. Je suis content du film sous certaines descriptions et insatisfait sous d’autres. Je suis en tous les cas content d’avoir pris ce risque. Je ne le regrette pas. Quel qu’en soit le résultat, quelles qu’en soient les réactions, j’ai misé, j’ai perdu ma mise, je ne sais pas si je vais gagner ou perdre, mais je suis content d’avoir misé.

Au-delà du résultat et de sa réception, cette mise valait la peine, valait l’angoisse, valait l’énergie incommensurable que demande l’écriture et la réalisation d’un tel projet.
Viendra l’angoisse de l’objectivation. Que dit ce film ? Que montre-t-il ? Quel spectacle propose-t-il ? Mais aujourd’hui, à quelques jours j’espère d’un certain apaisement, je  parviens à penser que j’ai eu mille fois raison de l’entreprendre.

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