Après l’épisode des masques, il semble que nous vivions un nouvel épisode de dysfonctionnement, de mauvaise gestion, celui relatif aux tests.
Revenons un instant aux masques.
Longtemps j’ai pensé qu’il y avait eu matière sinon à scandale, du moins à interrogation qui a justifié les différentes commissions d’enquête. Cela dit, ces commissions étant politiques elles ne sont pas du tout satisfaisantes.
Seule la justice pourrait-elle faire la vérité sur ce qui s’est passé ? Non pas pour sanctionner mais pour nous aider à comprendre ?
Là n’est pas mon sujet d’aujourd’hui.
Longtemps donc j’ai pensé que le mensonge de l’État avait été patent : on nous avait dit que le masque porté par toute la population ne servait à rien. Et ceci pour éviter que le personnel soignant en manque. Il y avait pénurie, on nous le cachait, mais on agissait pour y pallier.
Si tel a été le cas, alors oui il y a eu mensonge, mais oui aussi l’action du gouvernement consistant à réserver les masques pour ceux qui en avaient le plus besoin était justifiée.
Le scandale était juste de nous avoir pris pour des imbéciles.
La conséquence est très grave car elle a émoussé la confiance, cette même confiance dont nous avons aujourd’hui besoin pour suivre les recommandations du gouvernement et appliquer les mesures destinées à nous épargner.
Si la population ne croit plus en la parole publique alors la discipline collective nécessaire pour lutter contre la pandémie sera très faible.
Elle l’est ici ou là et c’est le résultat désastreux de ce premier mensonge originel.
On nous dit : dans l’état de nos connaissances d’alors, le discours était justifié.
Je ne le pense pas.
Imaginons quand même ce qu’aurait donné une attitude moins soupçonneuse de la part du gouvernement. Après l’épisode brutal de rejet des élites qu’a constitué le mouvement des gilets jaunes et les grèves menées contre la réforme des retraites, le gouvernement a pensé qu’il n’était pas possible de dire la vérité, une vérité qui avait toutes les chances d’être rejetée et surtout dont la communication avait toutes les chances d’être inefficace.
Face à un peuple « réfractaire » et infantile, le gouvernement aurait fait son choix.
Quel aurait été le discours de vérité ?
« Nous avons réalisé que nous n’avons plus de stock de masque, nous devons le réserver au personnel soignant, donc n’en achetez pas, et si vous en avez, donnez-les. Quand nous aurons reconstitué ces stocks, vous pourrez de nouveau vous en procurer ».
Ne voit-on pas l’impossibilité de tenir un tel discours ?
« Les masques sont utiles – parce que ce virus est dangereux – mais nous ne pouvons pas vous demander de vous protéger car il faut avant tout protéger le personnel soignant » ?
Aurions-nous renoncé alors à nous procurer des masques ? Non.
Inefficace, ce discours aurait aussi été odieux.
Devant une telle impossibilité on peut penser que le pouvoir a choisi sciemment de tenir un autre discours et a pris son risque.
On peut aussi penser qu’il a choisi un autre discours COMPTE TENU en plus des incertitudes relatives à l’efficacité d’une prescription massive du port de masque.
Il y a eu un arbitrage. Il n’est pas certain qu’avec un arbitrage différent, qui aurait probablement encore plus affaibli le système de santé français (pénurie partagée), les conséquences de défiance, voire de colère, à long terme auraient été différentes.
Je pense que loin des certitudes sur une faute éventuelle du pouvoir, le débat et la réflexion sont en tous les cas ouverts et justifiés.
Les tests
Cela sautait aux yeux dès le début du mois de juin : La France se relâchait.
J’étais en Italie fin juin et c’était patent. Dans les supermarchés français très peu de gens portaient le masque (alors qu’il n’y avait plus ni pénurie, ni restriction) alors qu’en Italie, tout le monde en portait partout et même à l’extérieur.
Résultat : aujourd’hui l’Italie est épargnée par cette nouvelle flambée épidémique. Traumatisée lors de la première flambée, elle n’a jamais relâché la vigilance.
« Vigilance » … le mot magique martelé à cette époque par le gouvernement. Une pudeur ridicule quand il fallait dire : portez un masque, respectez les distances. Mais non, il fallait être « vigilant ». Je n’ai jamais compris ce que ça pouvait vouloir dire.
Le gouvernement a péché dans sa communication. Dès le mois de juin, combien étions-nous à alerter sur les premiers signes inquiétant d’une reprise de l’épidémie ? Il suffit de relire mes tweets de l’époque à partir du 6 juin par exemple (moi qui ne suis pas spécialiste mais qui juste m’informe) et de se souvenir de l’appel alerté des médecins du 13 juillet appelant au port systématique du masque. Un appel motivé par une inquiétude évidemment née quelques semaines auparavant.
Le gouvernement était-il aveugle et sourd ?
Non. Il avait déjà fait son choix, un choix d’équilibre précaire : vivre avec le virus. Vivre le plus possible.
Un choix risqué.
Un choix qu’Emmanuel Macron a justifié et illustré encore ces derniers jours : journées du patrimoine, choix de la responsabilité contre les restrictions.
Aujourd’hui, bien trop tard, on siffle la fin de la récréation. Une récréation que le gouvernement avait organisée sciemment.
Peut-être se sont-ils dit : laissons les français souffler et profiter de l’été, de toute façon, la rentrée et l’automne seront, quoi qu’il arrive, déprimants. Il sera toujours temps de rajouter à une déprime déjà présente.
Quoi qu’il en soit vient aujourd’hui le dysfonctionnement sur les tests.
Ces dysfonctionnements participent aujourd’hui de la flambée épidémique. Le thermomètre étant cassé on ne sait plus très bien en temps réel quelle est la température.
Le manque d’anticipation des conséquences d’une massification des tests est patent.
Ce qui est encore plus patent c’est l’inertie de la réaction du gouvernement qui est depuis plusieurs semaines conscient du problème.
Pourquoi ne reviennent-ils pas sur cette massification ? Pourquoi ne réservent-ils pas les tests aux personnes symptomatiques et à leurs cas contacts ?
Fierté politique mal placée ? Impossibilité de reconnaître une erreur en temps réel ?
On a l’impression qu’ils s’entêtent dans leur choix et que ce faisant ils en amplifient les effets collatéraux désastreux.
Certes ils ne sont pas aidés. Pas aidés par le populisme scientifique (dont Raoult est un exemple parmi d’autre) qui fait de cette pandémie un nouveau cas d’école : une pandémie aliénée elle aussi au discours des réseaux sociaux, comme la politique, les médias, la culture.
Pas aidés par le rejet des élites dont le discours et le raisonnement scientifique, qui ne peuvent se synchroniser avec le temps de l’opinion sans s’abimer, font aussi les frais.
Pas aidés par les politiciens opportunistes qui pensent plus à s’opposer qu’à agir en responsabilité (sauf quelques exceptions qu’il faudra soigneusement noter).
Pas aidés non plus par le coup inaugural de Macron qui a réussi à placer le dégagisme au centre (quand il s’est plutôt situé à droite et à l’extrême droite dans les autres pays).
Au centre, on se retrouve au centre de toutes les critiques, de toutes les oppositions. A droite comme à gauche, la tartufferie est multipliée par au moins deux. C’était son risque politique.
La crise sanitaire amplifie toutes les tendances sourdes de la société, du social, de sociétal et de l’économie. Tout est éclairé d’une lumière quasi aveuglante. Et ce qui gisait dans l’ombre devient évident, et nous saute à la gueule. La crise n’a rien créé. Elle a tout exacerbé.
A la fin elle désignera les princes et les bouffons.
Il est encore (peut-être) temps de revenir à une communication efficace et juste. A revenir sur ces erreurs et manquements.
En temps normal, nous jugeons les dysfonctionnements, les mauvais choix, et attendons les élections pour réagir (Parfois on est enclin à ne pas les attendre mais c’est à mon sens une faute démocratique).
En temps de crise nous les payons ici et maintenant, c’est pourquoi seule la gestion de crise dit la vérité sur la force d’une autorité, que ce soit dans nos métiers ou dans la société.
Force est de constater qu’aujourd’hui le bilan est mitigé.
Je pense que personne en France n’aurait vraiment fait mieux (je pense aussi que Macron est trop jeune pour une telle crise, mais c’est un autre sujet), sauf peut-être sur la communication, ce qui n’est pas rien.
Mais si la crise des tests n’est pas réglée dans les prochains, on pourra vraiment dire que le gouvernement a non seulement failli mais aussi fauté.
Si nous sommes tous, en vérité, responsables collectivement de la reprise de l’épidémie, et donc collectivement responsables de l’issue de cette crise historique, nous pourrions être soutenus ou non, conseillés ou non, par ceux qui sont en charge.
On fait avec ou on fait sans. Les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui peuvent faire avec.
Analyse très juste. Au milieu du marasme manichéen, il est bon de lire vos mots.
RépondreSupprimerBonjour mr rochand
RépondreSupprimerJ ai dans un commentaire précédent écrit que je voyais partout le déni du réel. les constats sont maintenant assez largement admis sur l etat du monde, de la biodiversité et des effets du réchauffement climatique. Mais les changements et contraintes que cela impliquent sont écartés car liberticides, inconfortables. C est ce qui se passe avec ce virus, bien réel, bien présent qui modifie nos habitudes.c est la qu on voit que "faire société" face au danger est un parti difficile a prendre pour une société de consommation devenue trop individualiste et attachée à ses privilèges.
Ps : je suis curieux de connaitre vos réflexions sur le plan de relance du gouvernement, qui me parait signifier "on sait pas penser autrement" et qui me semble être une grande perte d argent et de temps précieux pour le changement.
Cordialement