De même que la Nupes n’a pas voulu vérifier s’il y avait une majorité parlementaire défavorable à l’article 7 de la loi sur les retraites, de même le gouvernement n’a pas voulu vérifier s’il y avait une majorité pour voter la loi.
De même que la première ministre avait déclaré d’emblée que le report de l’âge légal n’était pas négociable (après l’avoir tout de même baissé d’un an par rapport aux promesses du candidat Macron) de même les syndicats ont refusé d’emblée ce même report en déclarant qu’il s’agissait d’une ligne rouge.
Qu’y avait-il alors à discuter ? Rien.
Dès le départ il s’est agi d’une confrontation, front contre front, sans aucun espoir de compromis. Tout le monde l’a joué politique. La Nupes y a vu l’occasion de refaire le match, comme toujours et ça ne cessera pas jusqu’au prochain scrutin présidentiel, la majorité relative y a vu l’occasion de se coller à la droite parlementaire pour faire majorité absolue. Et tout le monde a perdu.
Sauf Le Pen dit-on. On verra.
La propension des médias à tout dramatiser afin que nous suivions une fiction palpitante sans fin explique aujourd’hui ces sondages débiles qui nous disent ce que les Français voteraient si on revotait maintenant.
Et l’on s’extasie devant la dégringolade de popularité d’un Président qui est vilipendé tous les jours dans la rue et dans les actualités. C’est tellement ridicule que c’en est comique.
Sauf que ce qui n’est pas comique c’est ce consensus général pour la dramatisation.
La surdramatisation de la décision du conseil constitutionnel constitue peut-être à ce titre un cas d’école pour les années à venir.
Il fallait overdramatiser !
Il fallait créer un désir improbable autour d’une invalidation possible de la loi par le conseil constitutionnel.
Il ne fallait surtout pas dire que le conseil constitutionnel statuait sur la validité constitutionnelle de la loi, il fallait aller aux conséquences : la loi serait retirée en cas d’inconstitutionnalité.
Jusqu’ici, « fair enough » comme on dit.
Seulement cette surdramatisation a eu une conséquence : la pression politique et syndicale sur une conclusion d’ordre juridique.
C’est vrai qu’en cas d’invalidation, les opposants à la loi (quasi tous les français apparemment on nous dit) auraient gagné un sursis et il est probable que le gouvernement en aurait profité pour laisser tomber.
Mais ça n’est pas ce qui s’est passé.
Le conseil constitutionnel a déclaré le principal de la loi… constitutionnel.
Et là, évidemment, on lui reproche d’avoir soutenu un gouvernement libéral et amoral.
Il n’a fait que statuer sur la constitutionnalité du texte.
Un peu comme si on lui demandait de vérifier l’orthographe et qu’en cas de faute, on annulait.
Le texte étant bien écrit, on n’annule pas.
Maintenant que c’est derrière nous, voici les deux épisodes suivants :
Le premier mai et le deuxième Rip.
Combien de monde le premier mai ? Voilà un désir que les médias vont créer avec un corolaire, y aura-t-il des violences ? Ça va nous tenir deux bonnes semaines.
Puis le second RIP.
Nous avançons avec ce dernier enjeu sur le même terrain que celui du CC : la confusion, bonne pour la fiction, mauvaise pour la raison.
Si le second RIP est déclaré conforme, après recueil des signatures, les assemblées doivent examiner le texte (ici : retour à 62 ans). Si les deux assemblées rejettent (ou adoptent) le nouveau texte, il n'y a pas de référendum.
J’ai peut-être mal compris mais il me semble qu’il s’agit plus d’une occasion d’un deuxième vote par les assemblées. Donc, finalement par le parlement car il est peu probable que le Sénat vote en contradiction avec son premier vote.
En revanche il semblerait effectivement que la loi référendaire pourrait être examinée par le parlement et éventuellement votée.
On irait au vote qui a tant fait défaut la première fois.
Et on vérifierait qu’il n’y avait pas de majorité pour le texte, ou le contraire. On nous dit que ça se serait joué à quelques voix près et c’est pour cela que le gouvernement a fait la faute de refuser ce vote.
SI le texte référendaire était effectivement rejeté quel serait les recours de l’opposition ? Aucun.
En cas d’adoption par l’assemblée, retour à 62 ans, alors les opposants à la réforme auraient gain de cause.
Tout va donc peut-être se jouer sur le vote d’une poignée d’élus LR.
Mais le referendum semble peu probable.
Dramatisation, fiction. On est loin de la réalité mais il faut bien avouer que la réalité n’est jamais aussi dramatique qu’on voudrait, elle est trop fade.
On n’en a pas fini avec la drogue de la dramatisation.
Et pendant ce temps, rien ne se passera d’autre.
Et nous pourrons nous approcher tranquillement de l’overdose.
Elle nous accompagnera jusqu’à l’épisode final dont l’enjeu est déjà écrit :
Va-t-elle finalement y arriver ?
Afin de montrer à quel point il s’agit ici de dramatisation et donc finalement d’écriture du réel, je renvoie à cet article de Dominique Seux dans Les Echos "Retraites : un coup de main ou un coup d'éclat ?" que je me permets de citer :
« Le vrai paradoxe est qu'au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis la présentation de la réforme, le 10 janvier, on a appris que l'âge moyen de départ en retraite continue d'augmenter dans notre pays. Fin 2021, il était de 62 ans et 7 mois (deux ans et un mois supplémentaires depuis 2010). La donnée n'est pas disponible pour la fin 2022, et encore moins à la fin du premier trimestre de 2023, mais on se rapproche des 63 ans… »
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