17 juin 2011

La métaphore cinématographique (introduction)


La métaphore cinématographique
Introduction

Convenons que le cinéma est un langage, c’est à dire une suite articulées de signes - disons pour faire simple de signes audio-visuels.
Convenons qu’un signe est une unité linguistique composée d’un signifiant (le support matériel du signe) et d’un signifié (le concept ou l’idée).
Que le signe cinématographique soit l’image, le plan, la séquence ou tout autre chose importe ici peu. Le signe cinématographique est complexe.
Il y a un débat aujourd’hui parmi les sémanticiens sur le sens des phrases. Ont-elles un sens « objectif », c’est à dire un sens déterminé par la structure sémantique (voire logique) de la phrase ou leur sens ne peut-il s’appréhender qu’en contexte (déterminé par des éléments extérieurs à la phrase) ?
Les contextualistes contestent la prédominance, voire même l’existence, d’un sens de la phrase hors du contexte, d’un sens objectif, bref d’un sens littéral.
Je pense également que n’importe quel mot peut prendre le sens qu’on veut selon la série dans laquelle il s’insère, selon la phrase, voire le discours, et sa place dans la phrase.
Le mot gifler peut prendre par exemple un sens élargi (« Le vent m’a giflé ») ou même éloigné de ce qu’on peut supposer être son sens littéral (donner une gifle, c’est à dire frapper le visage du plat de la main). Exemple : « l’amour m’a giflé ce jour-là. »
On peut même imaginer un contexte sémantique dans lequel le verbe « gifler » peut prendre le sens opposé de son sens conventionnel : « ses caresses giflaient littéralement mes sens, je voulais qu’elle me gifle encore ». Dans cet exemple la seconde occurrence de « gifler » signifie « caresser ».
Nous voyons ici qu’un mot n’a un sens déterminable qu’à se placer dans une série. (Une série de mots et d’éléments contextuels ).
Quelle que soit la définition du « mot » cinématographique, le langage cinématographique fonctionne de la même manière. Un signe, ou une unité signifiante cinématographique ne prend son sens qu’à l’intérieur d’une série et n’importe quel signe peut venir signifier n’importe quoi selon la nature de la série et la place où il s’y insère.
Ce phénomène, appelons-le métaphore cinématographique. La métaphore se définit comme étant la substitution d’un mot par un autre, ou d’une séquence linguistique par une autre à l’intérieur d’une série obéissant à une syntaxe.
« Qu’un sang impur abreuve nos sillons »
Le mot « abreuve » est une métaphore (cf Jakobson).  Là où on pourrait attendre « remplir » vient un autre mot qui a la même fonction - et surtout la même place -  tout en apportant un enrichissement de sens (personnifie le sillon, apporte la notion de soif, etc)
L’effet de surprise de la substitution enrichit le sens, et même crée un sens nouveau.
La métaphore restitue au rapport entre les mots et les choses la part d’énigme qui est garante de la vérité.
Si le but du cinéma est (comme la littérature) de dire la vérité sur la vie, l’existence ou toute chose qui la compose, les sentiments, les actes, les personnes), il ne peut le faire, comme dans la littérature ou la poésie, que par et malgré le langage.
Nous allons au cinéma pour – entre autre – en apprendre sur nous même. A travers le regard d’un autre, nous découvrons un nouveau sens à ce qui nous échappe sans cesse. Qu’est-ce que l’amour ? La cruauté ? La jalousie ? Qu’est-ce que vivre ? Espérer ? Qu’est-ce que l’ambition ? L’angoisse ?
Bref, nous allons chercher des réponses dans les livres et dans les films et ce n’est que grâce au pouvoir de la métaphore que nous les trouvons. La surprise de la substitution signifiante nous donne une nouvelle couleur, une nouvelle lumière et finalement un nouveau sens.
C’est pourquoi il me semble essentiel de définir et d’étudier la métaphore cinématographique pour qui veut user du cinéma pour atteindre une quelconque vérité.
Le concept de métaphore cinématographique est très puissant pour l’écriture d’un scénario et la réalisation d’un film.  Il doit être bien défini, délimité, analysé. C’est ce que je voudrais faire dans de prochaines contributions.

3 commentaires:

  1. Bonjour, compliqué mais je me lance. Mon frère adore votre film Les Patriotes et plus encore la bande son (l'orchestration des asturias d'Albeniz tout particulièrement). Je cherche en vain un enregistrement de la BO de votre film pour lui offrir pour son anniversaire... Auriez-vous une adresse ? Merci et encore pardon de mon audace

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  2. bonjour Eric. j'ai écrit un opuscule sur la question - passionnante et trop rarement étudiée - que vous abordez dans ce post. puis-je vous en envoyer un exemplaire ?

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  3. Bonjour Eric, merci beaucoup pour cette belle explication et votre superbe série. Je voulais savoir pour vous quelle est la "figure de style" dans "les temps modernes" de Chaplin quand il nous montre des gens sortant du métro puis des moutons.J'aurais la même question à-propos de la fin de "la mort au trousse" quand le train entre dans le tunnel. Métaphore, analogie, comparaison, rien de tout ça ?

    http://www.transmettrelecinema.com/video/suggerer-comparer-associer/

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