Le paysage politique français est un champ de ruines.
La droite ne sait toujours pas si elle est libérale. Au
pouvoir elle ne l’est pas, trop effrayée par
une France qui semble se cramponner à son modèle social, modèle qui
aujourd’hui ne s’acclimate au nouveau monde qu’au prix du chômage et de
l’anémie économique.
Dans l’opposition elle souffre de son culte du chef, entre
le fantôme d’un commandeur qui ne parvient pas à dire s’il revient ou non et
des prétendants transparents, effrayés par ce même commandeur, et dont les
vociférations sont aussi pathétiques que vaines.
Le centre est malade de ses leaders, malade de son discours,
aussi paradoxal que cela puisse paraître alors que la France se gouverne
justement au centre. A cet égard, l’erreur de François Hollande
d’avoir rejeté d’un revers de main l’offre de François Bayrou qui l’avait
soutenu lors du second tour de l’élection présidentielle, révèle l’impuissance générale des politiques français à accepter
l’idée d’une recomposition inévitable du puzzle politique national.
Un puzzle politique qui va probablement se désagréger
totalement avec l'une de ses pièces maîtresses. Le Parti Socialiste, comme toute
la gauche, a été mis en cause par le traité de Maastricht, il est mort lors de sa scission idéologique
de 2005 et vit depuis comme un zombie. Aujourd’hui, il est en train de
redevenir poussière.
François Hollande a probablement fait sa plus grosse erreur
en essayant à tout prix de conserver l’unité du Parti Socialiste après le vote
contradictoire sur l’Europe. Ce faisant il sauvait la machine mais l’envoyait
dans le mur.
Le vote sur le traité constitutionnel européen avait éclairé des lignes de
fractures, non pas entre différents courants, entre différentes sensibilités,
mais entre une gauche qui voulait se repenser à la lumière de la mondialisation
et cette gauche dans laquelle le même François Hollande s’empêtre, qui ne sait
plus dans quel gouffre se précipiter, celui proposé par Manuel Valls où celui
de la dissolution, les deux signifiant la même chose : la fin.
D’avoir voulu éviter la scission, François Hollande n’a fait
que retarder l’heure de vérité. Chaque jour de retard a augmenté les dégâts
qu’allait créer la déflagration. Nous y sommes. Elle aura comme nom
dissolution, non pas de l’assemblée mais probablement du Parti Socialiste
lui-même, dissolution dans le néant idéologique d’une gauche qui n’a jamais su
penser ce qu’elle pouvait devenir à partir du moment où le monde avait choisi
définitivement son système économique.
La France est malade de sa gauche. Elle est malade des
illusions que la gauche française veut encore lui imposer. La France est
également malade de sa droite qui a toujours – et encore maintenant – avancé
masquée, n’osant jamais appliquer un modèle auquel elle se réfère pourtant. On
a cru un moment que Nicolas Sarkozy allait donner un coup de pied dans la fourmilière
en proposant un tournant libéral. Il n’en a pas eu le courage et ça sera sa
faute historique à lui. Personne en France n’a aujourd’hui le courage de
remettre la France sur les bons rails. La lutte acharnée pour le pouvoir, un
pouvoir qui tourne à vide et entraîne tout le monde dans une mauvaise spirale,
voilà à quoi se réduit la politique française. Peu de mots pleins, peu d’idées
fortes, peu d’actes vrais. Et nous nous enfonçons toujours un peu plus dans la gadoue
des illusions du passé et des noires tentations de l’avenir.
L’échec de François Hollande est d’avoir voulu gagner et
gouverner à gauche, malgré la gauche. Il s’est fait élire en trompant sa gauche
sachant qu’il pensait la vérité. Il avait planifié d’imposer cette vérité en
douceur à une gauche qui ne pouvait l’entendre, pensant que si le message
venait de l’Elysée, il serait plus acceptable. Gagner d’abord, dire les choses
après. Il s’est pris au piège qu’il avait lui-même tendu. N’ayant pas la
majorité pour faire cette nouvelle politique, il ne l’a donc pas fait, c’est à
dire mollement. Mollement, ça ne fonctionne pas car la réalité est violente et
ne s’accommode pas de médecine douce. Un premier ministre et un secrétaire de
Parti Socialiste à l’image de cette stratégie : transparents, inaudibles,
inexistants. Des fantômes quand la crise est à son apogée et les souffrances réelles.
Aujourd’hui il est trop tard. Il fallait appeler Valls ou
Bayrou dès le départ. Il fallait faire son Schroeder très vite. Et si c’était
pour s’échouer sur les récifs de la vieille idéologie de gauche, eh bien tant
pis !
Aujourd’hui il est trop tard. Les deux ans perdus ne sont
pas rattrapables. Il n’y a toujours pas de majorité pour appliquer le remède,
il n’y a toujours pas de syndicat pour l’accompagner, il n’y a que des
mécontents, des colériques.
Aujourd’hui il faudrait construire un axe du courage et de
la lucidité. Cet axe traverse de part en part le champ de ruines politique. Il
passe par un Juppé, un Bayrou et un Valls. Il s’opposerait aux illusions, aux
fantasmes, de droite comme de gauche, répondrait coups pour coups aux
attaques idéologiques d’une France repliée sur elle même et qui espère vivre
sans étranger ou sans capital.
Aujourd’hui il faudrait reconstruire sur les ruines fumantes
du paysage politique français. C’est à la faveur des crises que ça se fait. A
la faveur de ces convulsions où tout se cristallise, tout s’éclaire, et où un
véritable renouveau commence à poindre.
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