11 décembre 2011

Chronique de la crise (3) La notation allemande

Le sommet de Bruxelles des 8 et 9 décembre, sommet présenté comme d'habitude comme celui de la dernière chance, s'est terminé sur deux événements : Le projet d'un nouveau traité européen et la sortie consécutive de l'Angleterre de ce qui sera peut-être cette nouvelle Europe.
Il est possible que rien de tout cela ne se passe et que la dégradation de la note des états AAA - si elle intervient -  entraîne de nouvelles conséquences, de nouvelles décisions, bref de nouveaux sommets de la dernière chance.
Le traité de Maastricht prévoyait déjà que tous les Etats signataires s'engagent à ne pas dépasser un déficit représentant 3% du PIB faute de quoi ils s'exposaient à des sanctions. C'était déjà un traité de la rigueur et c'est bien pour cela que nombre de partis de gauche (PC en premier) y voyaient un empêchement de faire une politique alternative. Pourquoi ? Parce qu'embaucher des fonctionnaires, rehausser le SMIC, mieux s'occuper des chômeurs, des hôpitaux etc... ça coûte cher. Il faut creuser le déficit. Si c'est interdit, c'est plus difficile.
D'ailleurs, la France comme l'Allemagne ont dérogé à cette règle inscrite dans le traité de Maastricht. Les deux Etats ont à un moment décidé de passer outre le limite des 3%. Les meilleurs élèves de l'Europe se sont mis hors la loi (du traité). On peut se demander si ça n'a pas eu un très mauvais effet d'entraînement. On peut se demander aussi du coup quelle valeur va avoir ce nouveau traité.

Quand un Etat souverain décide de creuser son déficit parce que fort de sa légitimité démocratique il estime devoir le faire " à la demande de son peuple" par exemple, sur tel ou tel sujet, on peut se demander ce qui peut l'en empêcher. Un traité européen ? Il peut demander une dérogation. Une règle d'or ? Une constitution se change. Alors oui, c'est plus difficile de transformer la constitution que d'abroger une loi mais ce n'est pas impossible. Ce que je veux demander ici c'est : quelle est la nécessité d'adopter un nouveau traité?

Il y en a une évidemment : rassurer les marchés.
C'est comme si on disait aux marchés qui doutent de l'Europe, qui pensent que l'Europe est de moins en moins fiable et qui du coup ont de plus en plus de mal à lui prêter de l'argent, c'est comme si on leur disait:

"Oui, on sait, on a beaucoup dépensé, on s'est beaucoup endettés, malgré nos promesses de ne pas le faire. Oui, on sait, depuis quelques mois, on dit beaucoup de chose mais vous ne nous croyez pas. Et on vous comprend. Alors là, on va faire un truc fort, on va faire un nouveau traité contraignant qui nous interdit, mais alors là vraiment, pas comme à Maastricht, de dépenser et de s'endetter trop. On va le faire, promis, tout le monde promet (sauf les anglais), là vous ne pourrez pas dire qu'on ne fait pas d'effort pour redevenir fiable. Alors ? On est fiable ? Vous êtes rassurés ?"

Mais ce n'est pas le projet de traité qui est important.
C'est le rôle de la BCE.
En Europe on a une banque centrale, comme dans les autres grands pays, mais elle ne peut pas faire la même chose que les autres. Elle ne peut pas intervenir si il y a des problèmes. Incroyable!
C'est normal puisqu'en fait on n'est pas UN pays, on n'a pas une seule politique.
Mais c'est sûr que si la banque centrale européenne pouvait intervenir comme une banque centrale normale, les marchés, on pourrait les rassurer plus facilement.
Et tout l'enjeu est là.
L'Allemagne ne veut pas que la BCE intervienne si les états européens ne veulent pas se réformer, devenir plus sérieux, bref n'adoptent pas la règle d'or.
C'est compréhensible. On ne prête pas de l'argent à quelqu'un qui le dépense chaque soir au casino.

L'Allemagne dit à l'Europe : vous ne faites pas ce qu'il faut pour que la BCE puisse changer de statut et intervenir, ce qui serait la seule chance de rassurer les marchés et de sortir de la crise.
Alors on fait des trucs, on change des trucs et on se tourne vers l'Allemagne et on lui demande : Et là ? Ça va ? Maintenant la BCE peut se réformer ?
Bref l'Allemagne est en position d'agence de notation de l'Europe. Si elle est contente du prochain traité (quelle a poussé), alors la voie s'ouvrira pour une réforme de la BCE, ce qui ouvrira la voie pour un apaisement des marchés. Tout ça n'a pas besoin d'être concrétisé. Il suffit que tous soient convaincus que ça va se faire.

On peut se demander si justement ce n'est pas parce que l'Allemagne est en position d'agence de notation de l'Europe que l'Angleterre n'est pas vraiment dans l'Europe.
Alors on nous dit : La bonne gestion ce n'est pas allemand, ce n'est pas de droite, c'est juste de la bonne gestion. Et on ajoute :  dire que c'est l'Allemagne qui décide c'est faire de la germanophobie.
Ce n'est pas faire de la germanophobie que de décrire la réalité. Il ne s'agit pas ici de dire que c'est mal ou bien. Il s'agit de dire comment ça se passe.

Alors évidemment, aujourd'hui, la crise écrase le débat de la campagne électorale en France. L'UMP fait comme si il n'y avait pas de débat possible. Il y a ceux qui veulent bien gérer et ceux qui veulent mal gérer. Les premiers sauvent la France, les seconds la mettent en danger.
Ce débat est un leurre. Et d'ailleurs la question de la règle d'or en est une conséquence et la politisation de cette question par Sarkozy a interdit tout espoir de la voter avant les élections.
Il faudra quand même que François Hollande parvienne à imposer la bonne question, la question essentielle, celle qui n'est pas un leurre, la question politique, discriminante pour le choix du président : La bonne gestion, oui, mais pour quoi faire ?
Si la gauche ne parvient pas à recentrer le débat sur ce sujet, elle perdra l'élection.

PS : article éclairant sur le leadership de l'Allemagne en EUrope
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/12/11/l-allemagne-vraie-reussite-et-faux-modele_1616160_3234.html

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