17 décembre 2011

Chronique de la crise (4) - Le tripolet


Le tripolet (prononciation anglaise de triple A, soit de la meilleure note AAA donnée par les agences de notation). 

Il est cocasse aujourd'hui de voir le gouvernement se préparer à la dégradation de la note de l'Etat français en en minimisant l'impact (Juppé estime que ça ne serait pas un cataclysme)  alors qu'il n'y a pas si longtemps, les ténors de la majorité accusaient Hollande ou Attali de tenir des propos irresponsables quand ces derniers suggéraient une anticipation de cette dégradation par les marchés.

Extrait du figaro du 10 novembre :

"La ministre du Budget, Valérie Pécresse, a qualifié aujourd'hui d'"irresponsables" les propos tenus par l'ex-président de la BERD Jacques Attali, qui a estimé que la France avait déjà perdu de facto sa note "AAA".

"Des propos de ce type sont irresponsables car ils sont faux : aujourd'hui nous faisons tout pour garder ce "AAA". Dire le "AAA" est déjà perdu, se réjouir déjà du pire, c'est irresponsable", a-t-elle clamé. La ministre a ajouté que c'était aussi "démobilisateur pour des Français à qui nous demandons de faire davantage d'efforts". "

Pour Valérie Pécresse, la perte du tripolet était alors le pire.

Depuis le dernier sommet de la dernière chance, on parle de la prochaine dégradation de la note de la France. De même que l'on parle beaucoup de la dégradation des relations entre la France et l'Angleterre. A la germanophobie s'est substituée l'anglophobie. Les deux sujets sont liés puisque c'est bien cette menace sur le tripolet français qui pousse certains membres du gouvernement à affirmer qu'il serait plus juste de dégrader la note de l'Angleterre plutôt que celle de la France. Sympa pour l'économie anglaise.

On a l'impression que le gouvernement perd un peu son sang froid après - ne disons pas l'échec - le peu de succès du dernier sommet de la dernière chance. 

La politisation de la crise par Sarkozy continue de creuser sa propre dette. Comme le lui reproche François Hollande dans le Monde : 

"...  le président-candidat se garde bien de consulter l'opposition. Il en appelle à l'union nationale, ce qui est cocasse venant de celui qui n'a cessé d'entretenir des divisions, et se prive, sur des questions essentielles, de l'avis de ceux qui pourraient être demain en charge du pays."

Si cette crise est bien la plus grave qu'ait connu la zone euro depuis sa création et menace l'Europe de dislocation, on ne comprend pas bien pourquoi le président Sarkozy n'ait pas effectivement convoqué autour de lui les forces politiques responsables afin de faire parler la France d'une seule voix, de trouver des solutions acceptées par tous, assumées par tous face à un danger terrible.

Si Sarkozy a finalement choisi d'utiliser la crise pour relancer une popularité perdue et espérer gagner l'élection présidentielle, choisissant la confrontation politique plutôt que l'unité nationale, profitant de la situation pour imposer une vision de la société que beaucoup rejettent en la présentant comme n'ayant aucune alternative possible, c'est bien que le président ne croit pas à la gravité de la situation, ou alors, s'il y croit, il manque de la grandeur nécessaire pour y faire face.

Dans les deux cas, il est en faute. Quant à Hollande, que peut-il bien faire ? Il n'est pas aux affaires. Il ne peut être que dans le commentaire. Il sait bien qu'il n'aura que très peu de marges de manœuvre s'il est élu. Il n'est pas stupide et quand il dit qu'il renégociera le traité (je me demande s'il croit vraiment qu'il y aura un traité. Pas sûr) c'est en précisant que ce serait pour y ajouter un volet relatif à la croissance. Ce dont nul ne conteste la nécessité.

On peut donc retenir cette semaine le scepticisme des marchés vis à vis des décisions prises lors du dernier sommet européen. Un traité ? Oui, très bien. Lequel ? Quand ? Signé par qui ? Autant d'interrogations qui ne rassurent pas face à l'urgence de la situation.
On peut également retenir l'erreur historique de Sarkozy consistant à se servir de la crise pour taper sur les socialistes. Il a perdu l'occasion de montrer qu'il pouvais être un grand président, au-dessus des polémiques politiciennes, capable de prendre la mesure de circonstances qui demandent de la hauteur. Il aurait fallu galvaniser la France dans sa diversité d'opinions, donner une perspective face aux efforts demandés, réunir tout le monde. Mobiliser plutôt que diviser. Aurait-ce été impossible ? Peut-être aurait-il fallu qu'il ne se représente pas. Qu'il laisse un Fillon se présenter à sa place. Il n'aurait pas couru le risque d'être accusé d'instrumentalisation. Il aurait pu ainsi se placer au-dessus des différences et faire accepter un certain nombre de décisions. Mais pour cela il aurait aussi fallu assumer un bilan plutôt négatif. Ça n'aurait pas été déshonorant. Quand Sarkozy a été élu, il n'y avait pas cette crise. 

Qu'a pensé Georges Bush le 11 septembre 2001 ? S'est-il dit : "je n'ai pas de pot" ? ou bien : "Voilà l'occasion que j'attendais "?
Ce qui est certain, c'est qu'en 40, au moment de la chute de la France, De Gaulle ne s'est pas dit :"Je n'ai pas de pot". Il ne s'est probablement pas dit "Voici l'occasion que j'attendais". Mais ce qui est sûr, c'est que c'était bien l'occasion qu'il attendait. Il l'avait écrit dans une dissertation à l'âge de 12 ans je crois.
Que semble s'être dit Sarkozy ? 
"Voici l'occasion d'en finir une bonne fois pour toute avec la gauche..."
Ce n'est pas vraiment du tripolet politique.

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