09 avril 2012

Sans langue de bois

Nicolas Sarkozy

Je suis libéral. je voudrais qu'on arrête avec tous ces carcans absurdes et contre-productifs. Le chômage par exemple est un problème. Le seul moyen de le traiter : faire en sorte que les entreprises embauchent. Pour ça, il faut qu'elles puissent licencier facilement, et qu'un emploi leur coûte moins cher. Il faut donc diminuer les charges sociales. Ça veut dire moins de recette pour l'Etat. Ça veut dire que l'Etat doit s'occuper de moins de choses. Ça tombe bien, je pense que l'Etat s'occupe mal de l'éducation, de la santé, des transports, bref. Il faut le réformer, réduire son champ d'intervention. Moins de fonctionnaires, un meilleur fonctionnement. L'Etat c'est comme une entreprise. C'est même comme un foyer.
De toute façon la crise aujourd'hui nous oblige à revoir notre budget de fonctionnement. De deux choses l'une : ou on fait des économies, ou on crève. Et comme on gère mal notre budget depuis si longtemps, empêtrés dans des habitudes obsolètes et romantiques, profitons de ce que la crise exige de nous pour nous réformer et moderniser la France.
Le problème c'est que la France n'est pas libérale. Elle ne veut pas du libéralisme. Et c'est vrai que le passage au libéralisme est douloureux. On peut imaginer que ça sacrifie une génération. Celle qui ne pourra pas s'adapter. Mais c'est la seule solution. Sinon, on va rater le train mondial. On va ralentir quand les autres accélèrent. je ne veux pas de cette dégénérescence. Parce que celle-là, elle sera autrement plus cruelle. Alors j'essaie.
Je sais que les français tiennent à leurs acquis sociaux, à la sécurité sociale, la retraite par répartition, l'école publique, l'assurance chômage. Moi aussi j'y tiens, bien sûr. Le problème c'est que ça ne tient plus. Le monde a choisi son camp. Et maintenant on a un choix simple : prendre ce train ou changer le monde. Je ne crois pas qu'on puisse changer le monde. A chaque fois qu'on a essayé ça a entraîné une catastrophe humaine. Non, on ne change pas le monde. On s'adapte en essayant bon an mal an de ne pas trop subir.
Ce sont mes convictions. On peut être contre. Et d'ailleurs tout le monde est plutôt contre. Je dois vendre ce programme. Pour le vendre je dois un peu le cacher et un peu le travestir. c'est normal. La démocratie est devenue ce jeu là. Nous sommes des commerciaux de la politique. Et je suis bon à ce jeu.
Mais je suis bêtement convaincu qu'on n'a pas le choix. Tout le reste n'est que déni de la réalité, romantisme dangereux. C'est fini l'Etat qui s'occupe de tout. L'histoire a montré qu'il s'en occupe mal. Il faut faire confiance en l'individu. Alors oui, ça peut être sauvage. Et l'Etat doit justement veiller à interdire la sauvagerie. Ce n'est pas facile, mais c'est l'évolution sociale. Il y a des soubresauts. Des crises. Mais c'est le sens de l'histoire. Et c'est ce qu'il y a de moins douloureux en fin de compte.
Alors quand je suis au pouvoir j'essaie d'avancer dans cette direction. Je suis parfois obligé de ralentir, de revenir en arrière, mais c'est une tendance. J'agis par petites touches. On peut me reprocher de ne pas y aller franco. Maintenant que je brigue mon dernier mandat, je vais peut-être y aller un plus plus fort. Mais je ne peux pas le dire. Parce que la France a peur, elle est timorée et je la comprends. Il y a beaucoup de gens qui souffrent. Alors je me cache un peu. Je suggère quelques trucs (passer outre la rigidité des syndicats qui eux aussi doivent vendre leur salade). Je vois si ça hurle. Quand ça hurle je fais machine arrière. Mais j'essaie quand même. J'essaie de convaincre la France que c'est le seul chemin. Vers quoi ?  Je ne dis pas la prospérité, la modernité ou des trucs un peu emphatiques comme ça. Non, juste s'opposer au dépérissement. J'ai vu l'Argentine, j'ai vu la Grèce. je ne veux pas ça pour la France. Ça fait longtemps que je le pense et que je le dis. je n'ai pas attendu la crise. Aujourd'hui ça devient plus visible. J'en profite mais c'est normal. On ne m'a pas trop entendu jusque là. Si on pouvait un peu plus m'entendre grâce à la crise, quel est le crime ? Quand il s'agit de sauver quelqu'un de malade, à un moment, tous les moyens sont bons. Et s'il faut lui faire un peu de mal, je n'hésite pas. Je suis comme ça. C'est ma qualité et cette qualité, on en a besoin aujourd'hui.

François Hollande

La gauche est morte à Maastricht. On n'a pas trouvé comment faire depuis. Le monde a choisi son système. Ce n'est pas le socialisme. C'est l'économie de marché. Et la loi du marché est rendue encore plus fluide avec la mondialisation. Alors la gauche... je ne sais plus ce que c'est, je ne sais plus ce qu'elle peut faire. On n'a pas réussi à trouver une solution réellement de gauche à la mondialisation. On dit : on change tout ou... ou quoi ? Je ne sais pas. D'ailleurs pourquoi je saurais ? Pourquoi je saurais résoudre une équation intellectuelle aussi difficile ?
Pourtant je sais qu'il y a un problème avec cette économie de marché et cette mondialisation. Quand je vois les chômeurs et surtout les travailleurs pauvres, il y a un truc qui me dérange. Quand je vois qu'aux Etats Unis, des vieux de plus de 65 ans sont encore debout à la caisse des super marchés pour faire les paquets, je suis quand même perplexe. Mais honnêtement, je n'ai pas de solution.
Quand je vois qu'il y a de plus en plus de gens par terre dans les rues des villes, littéralement par terre, je me dis quand même qu'il y a une fatalité qu'il faut refuser.
Alors j'essaie. J'essaie d'être de gauche. Non pas celle qui veut changer le monde, changer l'Europe et qui va mettre juste 100 ans à le faire. Non, celle qui veut essayer de tendre la main à ceux qui n'y arrivent pas. Ce ne sont pas des assistés, non. Ce ne sont pas des fainéants ou des profiteurs. C'est quand même dégueulasse de dire ça. Ce sont des gens à qui on demande beaucoup et qui n'ont juste pas les moyens d'y arriver. Et ce que je trouve incroyable c'est que c'est la société qui les a créés. Ils sont nés quelque part dans la société. Leur place leur a été préparée. Et on leur demande maintenant de s'en sortir tout seul. Il y a de l'injuste absolue dans cette situation. C'est pourquoi je pense que la société a le devoir de s'occuper des inégalités qu'elle crée elle-même.
Oui je sais que la droite pense que le monde repose sur l'inégalité. Oui il y a des différences de talent, de moyens, d'envie. Mais là on ne parle pas des différence naturelles. On parle des différences sociales, des inégalités créées par la structure sociale et même le politique. Celles-là, on doit les traiter, les compenser.
L'égalité des chances c'est ça. ce n'est pas de mettre hypocritement tout le monde sur la même ligne de départ. Désolé, ça ne peut pas être ça. Il y a des handicaps et il faut en tenir compte. Sinon, on assume d'être injuste voire cruel. Mais alors il ne faut pas s'étonner que cette violence faire aux gens nous revienne en boomerang.
Alors qu'est-ce que je peux proposer ? La justice. Je peux essayer simplement de la garantir. Oui il faut prendre le train de la mondialisation. Mais je ne me résous ni à sacrifier une génération comme Thatcher a pu le faire ni à ce que ça se fasse au détriment des habituelles victimes.
Pas facile d'assurer cette justice et en même temps de ne pas ralentir le mouvement. Non, et je dois dire que je n'ai pas beaucoup de solution. Je dis simplement : des efforts oui, mais mieux répartis. Et puis des efforts, oui mais pour quoi ? Je donne un sens. On en fait ce qu'on veut. Mais au moins je donne un sens : la jeunesse. La génération suivante. Je sais, je ne suis pas très précis. Il faut dire que la conjoncture est franchement indécise si ce n'est hostile.
Alors on me reproche de ne rien dire des économies à faire. Pourtant je le dis à chaque fois : partout ailleurs que dans la police, la gendarmerie et l'éducation. Mais où ? Partout ailleurs. Maintenant si je dis où tout le monde va me tomber dessus. Je ne vais pas me tirer une balle dans le pied quand même. Mais au moins, je dis où je n'en ferai pas.

Nous sommes des marchands. Nous mentons, nous exagérons et on sait, ce n'est pas glorieux.
Franchement on a quelques convictions, on a une vague idée de la situation et de ce qu'il faudrait faire. On a une histoire chacun, des traditions. Bon, on essaie de ne pas en être trop prisonniers et en même temps elles nous donnent un cadre d'analyse. On n'est pas si sûrs de nous. Et on doit avouer que le débat avec l'adversaire pourrait nous aider à y voir plus clair nous-même. Mais le monde médiatique nous oblige a respecter les règles du spectacle.
On n'est pas d'accord, ça c'est sûr. Mais au fond, on n'est pas très très loin l'un de l'autre. L'un de nous a une tendance libérale, une petite tendance à accepter la souffrance inéluctable d'une partie de la société mais propose d'épouser un mouvement et de s'en sortir en assumant ce mouvement. L'autre n'est pas opposé à ce mouvement. Il aimerait bien que ça se fasse sans trop de douleur. Il ne sait pas comment. Il n'a pas la solution, mais il essaie. Au risque de perdre en efficacité. c'est ce que l'autre lui reproche ; à force de tergiverser, on va rater le train. Et là, ça va faire vraiment mal. Vous êtes toujours comme ça, la gauche, vous avez des bons sentiments et à la fin tout le monde trinque. Non, dit le premier. Ce n'est pas ce que je propose. Je propose juste de faire gaffe. Eventuellement de réfléchir sur le train lui-même. Mais je suis d'accord pour le prendre. Mais pas à n'importe quel prix parce que sinon ça n'a pas de sens.

Au fait c'est vrai : la mondialisation d'accord, l'économie de marché, d'accord, les sacrifices d'accord, mais pour quoi ? Pour faire quoi ? Pour aller où ?
Eh bien nulle part ! Depuis quand on va quelque part ? Ce qu'il faut c'est simplement ne pas trop déguster. Ne nous racontez pas d'histoire, les gars.

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