Il y a des erreurs que l’on paie des décennies plus tard.
Pour cette élection présidentielle, nous payons deux erreurs
politiques majeures : celle de Chirac en 2002 et celle de Hollande en
2005.
En 2002, Jacques Chirac est élu président avec 80% des voix contre J.M. Le Pen. Le front républicain a été énorme. Au premier tour, Chirac avait obtenu 21% des suffrages. C’est dire à quel point il n’a pas été élu
président sur son programme.
Et pourtant, refusant de tenir compte des circonstances
exceptionnelles de son élection, il fut le président de droite qu’il avait
promis d’être quand il aurait du être le président de la République, je dis
bien : de la République.
Le risque de voir Le Pen présidente après un second tour où
elle aurait été confrontée à un des trois autres possibles finalistes est une
conséquence de cette erreur politique majeure. De très nombreux électeurs ont
eu le sentiment de s’être « fait avoir » et on ne les y reprendra
plus. Si malgré cet épisode de 2002, je ne suis pas d’accord avec l’idée de
renvoyer dos à dos un candidat républicain et la représentante de l’extrême droite,
héritière du pétainisme, je ne comprends pas moins ces électeurs qui craignent
d’être floués de nouveau par un candidat qui leur devrait la victoire et
transformerait en plébiscite personnel ce qui n’aurait été que celui de la
République.
J’enjoins le candidat qui, passant le premier tour avec un
maximum probable de 24 % des suffrages, serait élu président de la République
avec donc plus de 50% des votants contre Le Pen, de ne pas tromper une fois de
plus le peuple français qui aura fait preuve d’un esprit de résistance (qui a
fait défaut aux américains et aux britanniques) et une fois de plus prouvé sa
noblesse. J’enjoins ce candidat de trouver les moyens politiques et intellectuels
de rester fidèle à l’esprit qui aura soufflé sur son élection.
Et ceci aussi afin de préserver l’avenir.
La seconde erreur, encore plus grave me semble-t-il partait
probablement d’une orientation positive: L’effort de François Hollande pour
préserver l’unité du PS alors que le parti venait de se déchirer sur le référendum relatif
au traité européen en 2005.
En agissant de la sorte il a empêché l’aggiornamento
nécessaire du PS et celui de la gauche française en général. Il a
volontairement arasé les différences entre ces deux « gauches
irréconciliables » qu’a pointées avec lucidité Manuel Valls.
Cette différence était si importante qu’il en a lui-même
pâti une fois président. Cette gauche du « non » l’a empêché de
gouverner. Il faut dire qu’il appartenait lui-même à l'autre gauche et que
l’assemblée était dirigée par ce PS recousu à la va-vite, cette créature hybride
qui se brise sous nos yeux aujourd’hui.
Une erreur qui nous envoie un Jean-Luc Mélenchon aussi
dangereux pour la France que Marine Le Pen, même si son discours semble plus
généreux. Une erreur que Hollande essaie aujourd’hui de réparer en dénonçant le danger
populiste. Un danger directement issu de ce colmatage fautif qui a justement
empêché l’émergence de cette force représentée par Emmanuel Macron, une force
qui lui a fait cruellement défaut à l’assemblée et qui explique en partie son
échec historique.
Nous payons ces deux erreurs qui nous mettent aujourd’hui en
face de cette triste réalité : la possibilité de voir élire un fossoyeur
de la France, de l’Europe et probablement du monde actuel.
A ceux qui la désirent, cette catastrophe, par dépit,
aigreur ou plus simplement désespoir, je n’ai rien aujourd’hui à dire, si ce
n’est qu’ils jouent avec un feu qui se retournera contre eux dès les premiers
mois de la victoire des apprentis sorciers.
A ceux qui croient réellement au changement et non au chaos,
et en particulier, à mes amis qui voudraient voter Mélenchon.
Souvenez vous du tournant de la rigueur de 1983. Deux ans
après l’arrivée de la gauche au pouvoir il fallait se rendre à l’évidence :
le monde était déjà interconnecté avant même l’arrivée d’Internet et on ne
pouvait déjà plus changer la société d’un pays moderne comme la France sans
changer le monde autour de lui. Résultat : la France allait à sa ruine, il
fallait redresser la barre. La gauche devenait gouvernementale. Une gauche contre laquelle Mélenchon se positionne.
Souvenez-vous de la Grèce de Tsipras. Où en est-elle aujourd’hui ?
Deux expériences de gauche qui n’ont pas abouti à ce qu’elles
avaient promis.
Il en sera de même avec Mélenchon. Il ne pourra rien faire
de ce qu’il dit. Il le sait. Il n’avait pas prévu d’aller aussi loin.
Et si jamais il va jusqu’au bout ; si jamais il
applique sa politique de repli sur soi sous le masque d’un renversement d’alliances
(bolivariennes ? sérieux ?), la crise mondiale qui suivra immanquablement
celle de l’Europe l’empêchera de faire quoi que ce soit. Mais le chaos sera à
notre porte. Mélenchon n'aura pas les millards sur lesquels il mise pour appliquer sa politique insensée, ces millards feront défaut à tout le monde mais certainement plus à ceux qui auront décidé de faire défaut sur la dette.
Oui, voter Mélenchon c’est donner un coup de pied dans la fourmilière,
oui c’est envoyer un message radical à ceux qui ont trop longtemps ignoré la
fureur qui bruissait, oui c’est peut-être la revanche des laissés-pour-compte.
Mais ça n’aboutira à rien se ce n’est à plus de stupeur, de
pauvreté, de précarité et d’injustice : comme au Venezuela justement.
C’est cela le populisme (qu’ils revendiquent comme étant une
vertu) : parler facile et fuir la réalité, jouer avec le destin des gens
pour son propre égo, jouer avec la vie des autres pour la jouissance de leur
amour actuel.
Nous payons aujourd’hui deux erreurs du début des années
2000.
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Ne commettons pas la troisième qui sera irréparable.
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