Cette entité pèse plusieurs centaines de milliers de voix,
peut-être plusieurs millions. Assez pour faire basculer les résultats d’un
scrutin.
Les réseaux sociaux sont constitués d’individus qui s’expriment
et interagissent. La différence avec d’anciennes formes de socialisations, de
rencontres hors travail et hors école, c’est que les protagonistes ici s’avancent
souvent masqués, derrière l’écran des avatars, et n’engagent pas leurs corps.
Le corps est à l’abris de l’écran des smartphones. Même la voix n’est pas
engagée, comme elle pouvait l’être avant au téléphone. Il faut dire que la voix
c’est aussi le corps. Ainsi seuls les écrits, les écrits courts, les messages,
faits de mots ou d’images, nous représentent. Nos corps protégés, nous nous en
donnons à cœur joie, c’est-à-dire avec toute la rage que nos corps nous retiennent
d’habitude d’exprimer, de peur de les mettre en danger.
Dans la rue on n’insulte pas car on peut se faire casser la
gueule. Sur les réseaux sociaux, on n’hésite pas.
Il en résulte un nouveau sujet collectif, né de la mise à distance
du corps, donc protégé, sûr de lui, décomplexé.
Cette nouvelle subjectivité a sa psychologie, une
psychologie collective comme celle d’une équipe de football qui peut parfois et
étrangement se révéler timide ou dépressive.
C’est un sujet sans surmoi et sans rationalité. La raison
demande du temps, de la distance et de la logique. Les réseaux sociaux n’offrent
ni les uns ni les autres. Les images s’échangent en guise d’arguments et l’émotion
créée par des leurres et des trompes l’œil commande les réactions.
Le sujet des réseaux sociaux est celui auquel s’adressent
les populistes car il ressemble à leur discours : facile, rapide, hors corps
et donc hors réalité.
Le discours populiste c’est ça : arguments faciles,
négation du possible, affirmation à outrance de la volonté politique contre
tout principe de réalité et donc violence potentielle.
De droite comme de gauche, le nouveau discours populiste est
par définition le discours politique qui s’adresse au nouveau sujet des réseaux
sociaux.
Ce sujet est facilement manipulable car rétif à la logique
et au raisonnement. Non universel, il s’appuie sur des réflexes de foules.
Les « troll factories » ont été créées par les
Etats qui ont bien compris que la démocratie est manipulable via ce nouveau
sujet : il suffit de le recruter. Et pour cela il suffit de le séduire. Il
faut parler sa langue, épouser sa rage, lui offrir protection (les frontières
par exemple).
Ce nouveau sujet a pris le pouvoir aux USA, en Grande-Bretagne,
en Italie. Il crache son venin partout où il peut s’exprimer.
Il faut lui faire barrage.
Tout abêtissement du discours le servira, toute facilité,
toute lâcheté intellectuelle le renforcera.
Lui faire barrage c’est refuser d’en être et favoriser tous
les moyens d’échange et d’expression qui échappent à cette structure fielleuse
et hors corps qu’est la parole acéphale du réseau dit social.
Bien vu
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