20 mai 2011

Un deuil violent (3)

J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer François Hollande. C'était dans son bureau de Solferino alors qu'il était premier secrétaire du PS. Je livrais la pub que j'avais réalisée pour la campagne électorale du PS aux élections européennes de 2004. Etaient présents Pierre Moscovici (grippé, austère) et Bartolone (Jovial, roublard).

Tout le monde était satisfait du film. C'était une des toutes premières fois qu'un parti politique s'apprêtait à diffuser un véritable film publicitaire conçu d'ailleurs par une agence de pub.
J'avais alors lancé une petite provocation quand nous devisions après le visionnage, disant que j'aurais tout aussi bien accepté de travailler pour le RPR si on me l'avait demandé. Moscovici l’avait plutôt mal pris (d’austère il est devenu raide mais encore une fois il était vraiment très grippé – j’avais même la trouille d’attraper sa crève), et François Hollande s’en était amusé.

Il m’a ensuite raccompagné jusqu’à la grille du siège et nous avons discuté tout au long du chemin (couloir, escalier, cour). Quand il m’a serré la main sur le trottoir, une main chaleureuse, sympathique, simple, je me suis dit alors : « Cet homme ne fera jamais une grande carrière politique, il est trop gentil».
J’ai rencontré d’autres hommes politiques. Ils ne vous parlent pas normalement, ils parlent à travers vous. Ils ne vous regardent pas, ils se montrent avec vous. Si vous n’êtes pas un proche, vous n’êtes qu’une occasion de lancer un message ou au mieux de tester un discours.

François Hollande, lui, était juste normal. D’où ma réserve quant à son avenir. J’ai toujours pensé que pour réussir en politique il faut être un monstre. Tous les présidents de la république sont de véritables animaux politiques. Ils ne font pas partie du même univers que nous.
Se pourrait-il que cette simplicité et cette sympathie que j’ai vues en François Hollande deviennent aujourd’hui une vertu ?
C’est possible. Et l’affaire DSK viendrait en confirmer l’hypothèse. Car si aujourd’hui les médias s’essoufflent à parler d’eux-mêmes en s’interrogeant sur leur responsabilité, le débat devrait plutôt porter sur le pouvoir. Au delà du fait divers qui alimente les discussions scabreuses, il est certain que la réputation de DSK, quel que soit son degré de culpabilité (de 0 à 100), pose le problème de la corruption de la vie privée par l’arrogance du pouvoir politique. Et de ce point de vue, la poignée de main de François Hollande me fait penser que le manque d’arrogance peut de faiblesse devenir atout.

Un atout pour quoi ? FH peut-il récupérer les endeuillés de DSK ? Rien n’est moins sûr aujourd’hui. Parmi les électeurs potentiels de DSK il y avait les gens qui de toute façon allaient voter à gauche, la mort dans l’âme peut-être, mais avec la farouche volonté d’éviter un second mandat de Sarkozy. Mais il y avait aussi ceux qui voulaient voter DSK, c’est-à-dire contre Sarkozy et aussi contre la gauche, ou malgré la gauche. Ceux-là ne voteront pas Aubry.
François Hollande peut-il les décourager de se tourner vers un Bayrou ou un Borloo si ce dernier se présente ? La question est bien là. Car il pourrait aussi bien conserver la position qui était la sienne, c’est-à-dire une position médiane entre Aubry/Hamon et DSK, ce qui ne l’assure pas de séduire les réfractaires à une gauche obsolète voire réactionnaire, et aussi bien se rapprocher – moins l’arrogance – du positionnement politique réaliste de l’ex directeur du FMI.
Je pense que l'alternance se joue maintenant et sur ce terrain.

1 commentaire:

  1. J'aime bien ton analyse comme j'ai aimé ton intervention chez Taddei. J'aime aussi le bon sens qui manque cruellement dans la vie politique française. Malheureusement, l'ego est plus souvent présent que le bon sens chez nos gouvernants de quelque bord qu'ils soient.
    Quelques remarques :
    Bayrou ne me parait plus etre dans la course,et ce depuis qu'il s'est trop pris pour Dieu, je ne crois pas qu'il retrouve ses troupes.
    Un futur Président "gentil" fait toujours bien plus peur qu'un "méchant" même si en ce moment il est de bon ton d'être "normal".
    Le bon sens reviendra quant il y aura des femmes à parité EGALE avec les hommes en politique, mais là, y a du boulot, car la France est comme toujours bonne dernière quand il s'agit de changer les mœurs en profondeur.

    PS Au moins vingt cinq ans que je ne t’avais pas vu et t'as même pas changé!

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