28 février 2012

Le spectacle de la politique

Le nouveau jeu consiste donc à obliger les autres à tourner autour de vous.
Vous lancez une proposition ou simplement une remarque, dans l'objectif  :
1 - d'être repris par tous les médias
2 - d'être donc commenté par tous les autres
Que ce soit d'une imbécilité notoire, d'une extravagante mauvaise foi, bref que ça ne passe pas la barre du raisonnement, n'a strictement aucune importance. Ce qu'il faut c'est que l'adversaire soit pris dans le filet. C'est la figure de l'hystérie. Prendre les autres dans les rets de son propre désir, les arraisonner, les polariser, les amener à ne vivre - un moment - que pour et par vous, autour de vous.
Parce qu'il faut que "ça" parle de vous.
C'est un principe de base : qu'importe que la publicité soit de bonne qualité ou non, qu'importe que la critique soit favorable ou non, ce qui importe, c'est l'espace. Il faut prendre l'espace, tout l'espace si possible avec la complicité forcée de vos adversaires.
Mais que s'est-il passé pour que la campagne en arrive là ?
Nicolas Sarkozy est entré en campagne.
Il est donné perdant, il doit remonter vite la pente.
Alors il a donné l'artillerie lourde de la communication politique.

Boris Eltsine en 96 partait de quelque chose comme 5% dans les sondages. Les oligarques ont cessé de se faire la guerre entre eux et se sont unis pour le faire réélire. L'adversaire, donné gagnant par les sondages, était Ziouganov le communiste. Celui qui allait probablement pendre... les oligarques. Ces derniers avaient les télévisions et l'argent. Ils ont tapé dans la même direction pendant des mois. Et Eltsine a été réélu.

On peut s'en défendre, on peut le déplorer mais c'est une réalité :
les gens pensent ce que les médias disent.

Le nombre de gens qui m'ont dit par exemple : François Hollande, oui, mais il est un peu mou, non?
Et quand je leur demandais ce qui leur faisait dire ça : pas de réponse.
Alors on me dira : les médias l'ont simplement repris parce que ça se disait autour de Hollande lui-même.
Non, les médias l'ont repris parce que ça vend : c'est simple, c'est drôle, c'est proche, ça vend.
Les médias opposent Le Pen à Mélenchon parce que ça vend.
Les médias jouent le jeu de Sarkozy consistant à égrener ses propositions unes à unes parce que ça vend, ça fait spectacle, ça fait événement.
Qu'importe que, comme l'a dit très justement Hollande, ce soit un jeu avec les français et qu'au lieu de leur présenter un programme cohérent, que l'on soumettrait à la réflexion avant l'élection, on les appâte, on les nourrit d'une proposition à chaque moment, émission, meeting, afin de toujours les tenir en haleine. Qu'importe finalement que ce soit au détriment du débat démocratique, de la dignité, du respect des électeurs et des citoyens : ça vend.

C'est bien parce que les médias doivent vendre, doivent faire spectacle de la politique pour la vendre, que Sarkozy se plie avec son habileté légendaire, à l'exercice.
Ce faisant il oblige les autres à venir sur le même terrain. Il n'y a pas d'alternative. Soit vous existez dans les médias, soit vous crevez. Donc il faut jouer le jeu de l'occupation de l'espace. Jouer le jeu...
Sarkozy est en train de transformer l'élection en un jeu. Il ne gagnera qu'à ce prix. Car c'est le meilleur joueur. Qu'importe que ce jeu nous fasse passer du statut d'électeur, de citoyen, en cible, en "target", bref en bon con. La victoire sera à ce prix. Au prix de nous piéger plutôt que de nous rassembler.

François Hollande peut-il résister ? Peut-il refuser le jeu que lui impose Sarkozy ?
Difficile. La proposition sur les riches d'hier soir en est le symptôme. Faire les titres. Occuper l'espace. Comme pour dire ; je sais le faire moi aussi, si je veux, je peux. Si la victoire doit m'en faire passer par là, j'en ai aussi les moyens.
Et alors l'Express fait sa une : "Lequel des deux ment le plus ?"
François Hollande est déjà entraîné dans les profondeurs. Il est éclaboussé par Sarkozy. L'un oblige l'autre à se salir les mains : la politique, c'est de la boue, c'est de la sueur, c'est dégueulasse. On ne peut pas en faire en restant propre sur soi. Voilà le message de Sarkozy à Hollande : rejoins moi dans l'arène. regarde de toute façon tu n'as pas le choix. Cette arène, c'est celle du cirque médiatique.
Les gens pensent ce que les médias disent.
Refuser totalement cette aliénation est la garantie de perdre l'élection.
L'accepter est une véritable compromission dans l'opération d'avilissement de la vie politique française.
Il faut la dénoncer.
Jusqu'à ce que les médias le disent (ils n'ont aucun amour propre).
Pour que les gens le pensent.
Mais je pense qu'ils le pensent déjà. Du moins je l'espère.



1 commentaire:

  1. C'est vrai qu'abaisser la fonction politique semble depuis le début de sa carrière et tout particulièrement de son quinquennat un défi permanent pour Nicolas Sarkozy, donc se courber une fois encore à hauteur de caniveau n'est pas un exercice qui lui est trop difficile.


    Cependant, sans être un admirateur forcené du Président la République (c'est tout le contraire), le comportement de François Hollande dès son début de campagne et tout particulièrement dans la primaire socialiste induit cette posture de la part de Sarkozy.
    Le discours du candidat socialiste depuis son entrée en compétition est relativement simple et répétitif: faire entendre aux électeurs français qu'il sera le président de la normalité, le président du rassemblement et en cela il se place en opposition totale avec la politique et surtout la personnalité de Sarkozy. Plus qu'une positionnement politique, c'est un positionnement de communicant, probablement dicté par ses conseillers spécialisés dans la matière.

    Cet antagonisme entre la personnalité que François Hollande veut offrir aux français et la propre personnalité de Sarkozy ou en tout cas celle qu'il a voulu présenter comme un point fort pour exercer la fonction présidentielle , c'est-à-dire autoritaire et énergique, force Nicolas Sarkozy à forcer le trait: il se présente désormais comme l'homme d'expérience face à l'inexpérience, l'homme de conviction face au consensus mou quitte à en rajouter sur la personnalisation du pouvoir, cette même personnalisation qui est pourtant tant rejetée par les français, face à l'impersonnalité présumée du candidat socialiste.

    Sarkozy à bien entendu tout intérêt à être dans l'agression vis-à-vis de François Hollande, car si Hollande entre dans son jeu alors il perd l'aura de rassemblement et de supériorité qu'il a construit au fil des semaines, tandis que s'il ignore son opposant alors il paraît faire preuve de lâcheté et dès lors décrédibilise sa capacité à gouverner.


    Un (très) jeune admirateur.

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