J’entends, au sujet du Grand Débat, toutes les critiques,
toutes les réserves, toutes les suspicions, toutes les rancœurs.
J’entends aussi ceux qui ne veulent rien d'autre que la démission d’Emmanuel
Macron, ou éventuellement une dissolution, ou un référendum
perdu qui aboutirait à la démission ou la dissolution.
Mais combien sont-ils ceux-là, qui ne seraient rassasiés que d'un départ du Président élu il y a dix-huit mois ? 84 000 chaque semaine ? 250 000 comme au plus fort
de la mobilisation ? Et combien sont-ils ceux qui refusent cette issue quoi
qu’il en coûte, parce que ce serait simplement un déni de démocratie ? J’en
fais partie.
Combien sont-ils ? 8 000 000 ? (Les 24%
de ceux qui ont voté pour lui au premier tour), 20 000 000 ? (Ceux
qui ont voté pour lui au second tour) ? Le tout pondéré par le nombre de
déçus ?
Pourquoi remettre son mandat en jeu ? Parce qu’une poignée
de radicaux continuent à battre le pavé ? Ceux qui ne
veulent pas en démordre, ceux qui ne « céderont pas », ceux qui
veulent aller jusqu’au bout. Avec qui et pour faire quoi ? Avec Le Pen ?
Pour Mélenchon ? Sont-ils d’accord ?
Ni Le Pen ni Mélenchon n’auraient un centimètre de
légitimité s’ils venaient à gagner des élections précipitées par les événements
actuels. Il suffirait alors de deux cents mille nouveaux révoltés et du "soutien" de 30%
des sondés (c'est à dire 600 personnes) pour qu’on reparte à l’envers.
Tout ça n’a plus de sens. Violences et sondages valent référendum ?
Clémentine Autain qui parle de renverser le gouvernement
tout en craignant que les forces de progrès n’en profitent pas... Aucun progrès à remettre en cause le suffrage universel.
Et non, les circonstances ne sont pas exceptionnelles. Nous ne sommes pas en dictature, n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par les retournements sémantiques pour justifier leur propre radicalité. Appeler les démocrates des dictateurs, des opposants des terroristes, les juifs des nazis, : autant d’inversions pour commettre des crimes en bonne conscience.
Et non, les circonstances ne sont pas exceptionnelles. Nous ne sommes pas en dictature, n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par les retournements sémantiques pour justifier leur propre radicalité. Appeler les démocrates des dictateurs, des opposants des terroristes, les juifs des nazis, : autant d’inversions pour commettre des crimes en bonne conscience.
Emmanuel Macron n’a pas à parler à ceux qui ne veulent même plus
l’entendre respirer.
Il doit parler à tous les autres. Et leur dire : je
sais d’où ça vient. C’est sérieux. Assez
sérieux pour que j’en prenne la mesure.
Et c’est ce qu’il fait.
Oui la mesure. Il faut le dire à ceux qui vont critiquer et
qui critiquent déjà ses renoncements. Ce ne sont pas des reculades. C’est prendre
la mesure de ce qu’il faut faire en urgence, avant de prendre le temps de
penser.
Oui la mesure : le Grand débat, à l’issue duquel toutes
les attentes sont justifiées, toutes les craintes et tous les espoirs. C’est à
la mesure. Mais pas à la mesure de ceux qui sont encore dans la rue à crier sa
démission ou à hurler leur haine des journalistes.
Ce n’est pas à eux que l’on doit s’adresser maintenant. Ils
ne seront pas satisfaits. Ils continueront à manifester, violemment
probablement, après le Débat, car Macron n’aura pas démissionné.
C’est à tous les autres. Ceux qui ont voté pour lui, ceux
qui n’ont pas voté pour lui. A tous ceux qui pensent qu’il faut agir car le mouvement des Gilets Jaunes est l'expression d’un
vrai malaise du siècle. Quelque chose qui a à voir avec la révolution numérique,
la mondialisation, le libéralisme et la chute du communisme. Quelque chose qui
a à voir avec cette nouvelle idéologie religieuse qui nous a frappé. Quelque chose
qui a à voir avec la fin des petits commerces, du dimanche chômé, de la fin du
sacré et le droit à tout.
Il faut être à la mesure de ça. Ça ne souffre aucun calcul
politicien.
C’est quoi ce grand débat ? C’est faire parler tout le
monde. C’est noyer les premières revendications, justes ou non, pertinentes
ou non, dans une intelligence collective possible.
Et si ça n’est plus possible, alors tant pis.
Et si ça n’est plus possible, alors tant pis.
Je comprends ceux qui ont peur de se découvrir minoritaires.
Je comprends ceux qui ont peur de se faire voler l’insurrection. Je comprends aussi ceux qui ne disent rien, pas leur style, pas leur crédo, et qui voulaient juste
voter aux dates prévues.
Le grand débat c’est ça : il ne s’agit plus de choisir
dans une liste de personnes ou de programmes aussi diversifiée soit-elle. Il s’agir
de dire quelque chose. Il s’agit, oui, de noyer ce RIC auquel je ne crois pas
dans un éventuel RIC local, qui sait ? Il s’agit de noyer ce retour de l’ISF
auquel je ne crois pas dans une fiscalité plus juste, qui sait ? Il s’agit
de noyer cette demande contradictoire de moins d’impôt et plus de services publics
dans une demande de hiérarchiser voire de choisir les dépenses, qui sait ?
Il s’agit de reparler du chômage, qui sait ? Ou le contraire de tout ça, qui sait ?
Et Macron s’en sortirait ? Et alors ? Il aura pris
la mesure du problème.
Non le problème n’est peut-être pas le libéralisme, ou pas
celui-là, mais peut-être quand même. Et si c’est le problème, il faudra le dire
lors des prochaines élections.
Non Macron ne va pas renoncer à ce qui l’a fait élire. Mais
ce qui l’a fait élire doit pouvoir s’adapter à un malaise profond qui vient d’être
exprimé avec fureur. Ce qui l’a fait élire doit pouvoir s’amender, et même se
retourner pourquoi pas ? Car au fond, de quoi s’agit-il ? De faire
avancer le pays, de le protéger, de le gouverner, pas de lui appliquer une
quelconque idéologie aveugle et sourde. Je rappelle quand même qu’au début il y
avait le chômage.
Il n’y a pas de chômage aux Etats-Unis. Mais il y a des travailleurs
pauvres. Et avec Trump, ça ne va certainement pas s’arrêter. Il faut débattre de ça aussi. Faire payer les riches ? Lesquels ? Comment ? Combien de temps ? Pourquoi ne pas les virer directement. Ou les emprisonner ? Comment faire ? Est-ce ça la justice fiscale ? Qui sait ?
Macron fait une pause dans les réformes. Pour écouter.
Il doit se taire maintenant et écouter.
Le Grand Débat sert à ça.
Oui il y a un risque que le Débat se passe mal. Il faut le lui
dire. Ne pas attendre de lui que le Débat se passe bien. Il nous donne les outils
il faut les prendre. Parler de ce qu'on veut. Nous ne sommes pas à l'école. Les thèmes ne nous sont pas imposés, ils nous sont suggérés.
La révolution n’aura lieu que dans les urnes. Comme aux USA,
comme au Brésil, comme au Royaume Uni. Pour le pire à mon sens. Mais si elle
doit avoir lieu elle aura lieu.
Le Grande Débat ne satisfera aucun radical, aucun
complotiste, aucun mauvais perdant de la dernière élection,
aucun populiste qui croit son heure venue.
Mais il peut satisfaire tous les autres. Parce qu'il dégagera les voies d'un consensus et pourra aussi satisfaire
leur sincérité et leur bonne volonté. Sincérité devant la complexité du monde, devant les injustices
qui en découlent. Il pourra satisfaire leur refus du fantasme et de la haine et leur
esprit républicain, par-delà leurs opinions politiques.
Nous devons participer à ce débat, nous devons refuser de nous le faire voler ou détruire. Nous devons saisir cette occasion pour qu’on ne
parle pas à notre place. Ni les professionnels de la politique, ni les
cyniques, ni les énervés, ni ceux qui refusent de débattre c'est à dire de faire partie d’un
peuple qui se prend en main. Pas une foule, un peuple.
Bravo pour cette clairvoyance.
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